Après neuf mois d’audiences et neuf autres délibérations, la justice française a condamné les laboratoires Servier à une amende de 2,7 millions d’euros. Le groupe de drogue a été reconnu coupable de tromperie aggravée et d’homicide involontaire coupable par le Médiateur.

Ce lundi 29 mars, la saga judiciaire connue en France sous le nom de procès du Médiateur a pris fin. Le tribunal correctionnel de Paris a rendu sa décision après neuf mois de délibérations, condamnant les laboratoires Servier pour tromperies aggravées et homicides involontaires. En outre, ils ont été condamnés à une amende de 2,7 millions d’euros.

Ce procès a duré environ un an et demi mais l’enquête a commencé il y a plus de dix ans. Tout cela grâce au Mediator, un médicament qui était prescrit aux diabétiques en surpoids mais aussi pour maigrir. Le problème est que ce médicament s’est avéré générer des effets secondaires dangereux qui, dans de nombreux cas, ont conduit à de graves problèmes cardiaques.

« Bien que sachant les risques que cela comporte depuis de nombreuses années, (…) ils n’ont jamais pris les mesures nécessaires et ont donc induit en erreur » Médiateur des consommateurs, a déclaré la présidente du tribunal, Sylvie Daunis, en début de lecture de délibération ce lundi. Matin.

Au total, quatorze personnes physiques et onze personnes morales ont été inculpées. Parmi eux, Jean-Philippe Seta, le numéro deux de l’entreprise, condamné à quatre ans de prison et à une amende de 200 000 euros. Seta a été pendant des années le bras droit du fondateur du laboratoire Jacques Servier décédé en 2014. Et la partie civile était composée de plusieurs dizaines de personnes sur les 6 500 constitués.

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM pour son sigle en français) a également été condamnée pour «homicides et blessures involontaires» pour négligence et d’une amende de 303 000 euros. Le tribunal a estimé que l’agence n’avait pas agi rapidement pour suspendre la commercialisation du Médiateur et qu ‘«elle avait échoué dans sa tâche de policier de la santé et de gendarme de la drogue».

L’ANSM a reconnu lors du procès sa négligence et sa part de responsabilité dans ce «drame humain», pour lequel elle n’a pas demandé l’acquittement.

Mediator, prescrit à cinq millions de personnes, fait environ 2100 morts

Le médicament a été commercialisé en France entre 1976 et 2009. Mais les premières alertes sur les effets secondaires remontent aux années 1990. Cependant, c’est la pneumologue Irène Frachon, présente à la lecture du verdict, qui a fait savoir ce qui se passait du fait de l’utilisation de ce médicament.

Il s’agissait de lésions spécifiquement graves des valves cardiaques et d’hypertension artérielle pulmonaire, une pathologie rare mais très grave. Le médicament était prescrit contre le diabète et le plus souvent comme anorexigène, c’est-à-dire pour perdre du poids.

Irène Frachon s'adressant à la presse suite au verdict du procès Mediator.  C'est ce pneumologue français qui a alerté les autorités et a demandé que ce médicament soit retiré du marché.  Paris, France 29 mars 2021
Irène Frachon s’adressant à la presse suite au verdict du procès Mediator. C’est ce pneumologue français qui a alerté les autorités et a demandé que ce médicament soit retiré du marché. Paris, France 29 mars 2021 REUTERS – BENOIT TESSIER

Vers 2007, le Dr Fréchon a obtenu une liste de cas de cardiopathie valvulaire liée à l’obésité. Elle a alerté l’ANSM en 2009 et a appelé à son rappel, en vain. Cependant, le rappel a eu lieu juste avant la publication de l’article dans le journal Le Monde: « Médiateur, 150 mg, combien de morts? » en 2010.

Cet article, comme l’explique ce journal français, est celui qui a exposé le scandale de la santé à l’opinion publique du pays.

Pour le parquet, Servier a sciemment dissimulé les dangers du Médiateur et a demandé des sanctions pour le «choix cynique» d’une entreprise qui faisait passer ses «intérêts financiers» avant la santé des consommateurs. Quatre hauts responsables de l’ANSM ont été inculpés de «conflit d’intérêts» en raison de leurs liens avec la société pharmaceutique et condamnés à des peines de prison et à des amendes. On sait que les laboratoires ont utilisé leur pouvoir pour maintenir le médicament en question sur le marché et se faire rembourser par la sécurité sociale à 65%.

Au cours de ces plus de trente ans de commercialisation, on estime qu’entre 1 500 et 2 100 personnes sont mortes des suites du Médiateur. Sans compter tous ceux qui souffrent encore des conséquences des effets secondaires.

Avec l’AFP

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