Le président de Rio Tinto emporté par la destruction des grottes aborigènes de Juukan

Le président de Rio Tinto emporté par la destruction des grottes aborigènes de Juukan

Des abris vieux de 46 000 ans avaient été dynamités en mai pour agrandir une mine en Australie. Mercredi, le patron du géant minier, Simon Thompson, a présenté sa démission sous la pression des investisseurs et des communautés aborigènes.

Rio Tinto se sortira-t-il enfin de l’affaire du dynamitage des grottes de Juukan, ce site du patrimoine aborigène détruit en mai en Australie-Occidentale ? “Les investisseurs et les représentants des Aborigènes se sont félicités de la décision du président de Rio Tinto, Simon Thompson, de quitter la société après avoir reconnu qu’il était ‘responsable’ de la décision de la société minière”, note The Guardian après la démission, annoncée ce mercredi 3 mars, du plus haut représentant du deuxième groupe minier au monde.

Le site préhistorique vieux de 46 000 ans avait été détruit pour agrandir une mine de fer. Le scandale avait déjà conduit au départ du directeur général de Rio Tinto en septembre, le Français Jean-Sébastien Jacques, ainsi que de deux autres dirigeants.

“Je suis responsable en fin de compte des échecs qui ont conduit à cet événement tragique”, a déclaré dans un communiqué Simon Thomson, qui quittera ses fonctions à l’issue des assemblées générales de la multinationale anglo-australienne de 2022, tandis que le directeur non exécutif Michael L’Estrange abandonne les siennes dès cette année, explique la BBC.

La destruction des grottes de Juukan “illustre à quel point les questions environnementales et culturelles occupent le devant de la scène” dans l’industrie minière, commente le Wall Street Journal. Plus que partout ailleurs, les investisseurs font pression sur les grands groupes pour qu’ils changent “leur façon de traiter les propriétaires terriens autochtones”.

Blanchiment

Rio Tinto pensait avoir maîtrisé l’incendie avec un rapport cet été qui avait conclu qu’aucun individu ni aucune erreur n’était à l’origine du dynamitage, et par la sanction des trois dirigeants en septembre, mais pour de “nombreux investisseurs”, la faute n’était pas pardonnée. Un “chef autochtone de premier plan” avait même qualifié l’étude de “blanchiment”, poursuit le quotidien économique.

À la fin de 2020, une enquête parlementaire a recommandé au groupe de dédommager les peuples Puutu Kunti Kurrama et Pinikura, qui avaient à de nombreuses reprises demandé d’épargner les abris. Rio Tinto avait reconnu que, malgré les rapports scientifiques attestant de l’importance patrimoniale du site, il avait écarté trois autres options qui auraient permis d’agrandir la mine sans détruire le site, explique The Guardian. Seule la solution avec dynamitage avait été présentée aux communautés autochtones.

Éthique de l’extraction minière

Le retentissement de l’affaire a obligé toute l’industrie minière à remettre en cause ses pratiques et à prendre en compte les revendications des communautés aborigènes et les impératifs du changement climatique pour “adopter des normes de surveillance plus strictes de leurs performances sociales et environnementales”, souligne le Brisbane Times. Le Minerals Council of Australia, qui représente les entreprises du secteur, demande à ses membres d’adopter l’initiative internationale “Vers une exploitation minière durable”, qui impose aux industriels de rendre des comptes “y compris sur leurs relations avec les propriétaires traditionnels et les communautés, la gestion de l’environnement et les émissions de gaz à effet de serre”, poursuit le journal en ligne de l’État du Queensland.

Cette initiative pour “tenter de rétablir la confiance avec les communautés aborigènes, le grand public australien et la communauté internationale des investisseurs après la destruction des abris de Juukan” sera-t-elle suffisante ? Le journal australien donne une petite idée de l’ampleur de la “pression” subie par l’industrie :

Considérant la catastrophe des grottes de Juukan comme un coup de semonce, un groupe d’investisseurs mondiaux qui pèsent ensemble 14 000 milliards de dollars a mis en garde les principales sociétés minières du pays, exigeant qu’elles fassent preuve de respect dans leurs relations avec les Aborigènes.”

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