Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis) a commencé à déployer le service Autolib à l’été 2015. Six mois plus tard, 4 stations abritent 22 véhicules électriques en libre service. Nous avons interrogé Louis Maubert, chargé de mission au sein de la Direction Générale des Services de la mairie de Neuilly-Plaisance. Depuis les aspects juridiques jusqu’à la communication, c’est lui qui coordonne le projet et organise le dialogue entre Municipalité et syndicat mixte Autolib’ Métropole. Il dresse un premier bilan du déploiement des voitures en libre service dans sa commune.
Alors qu’Autolib voit le jour en 2011, c’est seulement en 2015 que Neuilly-Plaisance décide de s’en équiper, pourquoi une telle attente?
Auparavant, Autolib ne faisait auparavant pas partie des projets prioritaires pour la municipalité. Mais le syndicat mixte Autolib’ Métropole, la structure qui regroupe les communes dotés du service ou souhaitant s’en équiper, a voulu s’étendre vers les villes de banlieue, notamment à l’Est de Paris. Ils sont alors venus nous chercher en 2013 et les discussions ont débuté. C’était alors, pour la ville, une bonne occasion de faire un saut qualitatif : un nouveau service, agréable pour les habitants, utile pour tous. L’image d’Autolib, écologique et collaboratif a aussi tout de suite séduit.
Il faut aussi inscrire le choix de ce nouveau service dans l’ère du temps. Le nouveau paradigme d’économie collaborative et connectée permet de réelles améliorations de nos services. Autolib n’aurait pas fonctionné il y a une dizaine d’années, ne serait-ce que pour des raisons technologiques. Ici le smartphone et l’appli permettent d’optimiser l’utilisation des véhicules. Les habitudes de nos citoyens changent : de plus en plus de gens sont aussi prêts à renoncer à leur véhicule. Velib avait déjà habitué les gens à cette manière de consommer.
Est-ce qu’il y a eu des points de blocage lors des négociations?
Oui, et c’est normal, chaque partie cherchant au mieux à défendre ses intérêts. Tout d’abord la négociation financière n’a pas été évidente: Autolib’ Métropole a fini par accepter de prendre en charge une partie des coûts. Cela nous a permis, in fine, d’ouvrir 4 et non pas 2 stations. Ce fut une réelle avancée : 4 stations représentent le seuil minimal de viabilité du service pour Neuilly-Plaisance, en d’autres termes, un maillage suffisant et cohérent du territoire.
Il a ensuite fallu arrêter les emplacements des futures stations. Entre septembre 2014 et février 2015, nous avons étudié toutes les possibilités. Les arbitrages se sont fait en fonction de plusieurs paramètres. Il fallait trouver des lieux à moindre coût d’aménagement (comme les parkings), mais qui soient en même temps intéressants pour le service et donc bien situés (en centre-ville, près du RER). Enfin, l’enjeu politique : à savoir la décision de réduire les emplacements de stationnement dans un quartier. Au moment du début des travaux, nous avons aussi eu quelques plaintes de riverains, mais cela s’est rapidement calmé.
Quel bilan en tirez-vous aujourd’hui, après 6 mois d’expérience ? Quel bilan en tirent les riverains?
Il est encore tôt pour se prononcer et nous n’avons pas encore eu de données précises de la part du syndicat Autolib’ Métropole. Mais les retours sont satisfaisants. L’image de ce déploiement est aussi très positive : ces véhicules incarnent une certaine modernité, un nouveau mode de vie. Enfin, ces voitures électriques nous relient avec un ensemble plus grand : la métropole. Autolib incarne un grand Paris de projets auquel nous ne pouvons qu’être favorables.
Quant aux riverains, ce nouveau service favorise leur mobilité. Nous avons des exemples concrets qui le prouvent. Une habitante s’est faite voler sa voiture. Durant l’attente de la prise en charge par son assurance, elle pu se déplacer durant 15 jours avec Autolib. Certains utilisateurs l’utilisent pour descendre du plateau jusqu’au RER sans utiliser leur voiture. Il y a aussi des gens, comme moi, qui habitent à Paris et travaillent à Neuilly en se déplacant en Autolib.
Quel a été au final le coût pour la ville ?
Il faut d’abord comprendre les grandes lignes des accords de financement : la mairie verse une subvention d’investissement au syndicat pour l’installation d’une station. En retour, Autolib’ Métropole verse chaque année une redevance pour l’occupation du domaine public à la municipalité.
La subvention d’investissement s’élève à environ 60 000 euros par station. La redevance d’occupation de l’espace public est quant à elle, évaluée entre 80 et 90 000 euros sur 10 ans. L’accord financier que nous avons trouvé est le suivant : la ville n’a pas payé de subvention d’investissement pour 2 des 4 stations, mais en contrepartie renonce à ces deux redevances. Si on prend en compte le côut d’aménagement des stations, au total nous avons investi 140 000 euros. Sur les 10 ans, chaque station nous coûte 1700 euros net par an. C’est très acceptable, mais nécessite un investissement conséquent la première année au moment du déploiement.
Quelle est l’importance du service Autolib dans les liaisons inter banlieues ?
Actuellement, la liaison entre banlieues est le grand point faible des transports en commun de la région. On doit très souvent repasser par Paris. Le métro du grand Paris devrait résoudre en partie ce problème, mais il n’est pas encore sorti de terre. C’est aussi pour cela qu’Autolib s’attaque aujourd’hui à la banlieue, il y a un réel besoin qui n’a pas encore été adressé. La voiture en libre service est une solution efficace à ce problème. L’utiliser pour relier deux banlieues s’avère beaucoup plus rapide, notamment en dehors des heures de pointe.
Pensez-vous qu’une commune d’Ile-de-France puisse se passer d’Autolib?
Cela dépend réellement de la situation de chaque commune. Une mairie de grande couronne peut s’en passer. Pour ce qui en est des villes limitrophes, c’est plus difficile. Leurs habitants sont toujours tournés vers Paris pour les loisirs ou le travail, le service Autolib est alors une vraie option de mobilité. Mais ici encore, c’est du cas par cas, je comprends parfaitement que ce ne soit pas la priorité d’Aubervilliers ou de la Courneuve. Le choix des communes dépend de leurs ressources financières ainsi que du niveau de vie des habitants.
Quel est l’avenir du service Autolib à Neuilly-Plaisance? Avez-vous d’autres projets en tête?
Nous allons continuer à travailler sur ce déploiement, maximiser son potentiel. En ce qui nous concerne, il n’y aura pas de Velib. Le service est limité aux villes autour de Paris. Nous sommes encore trop loin. La configuration géographique de Neuilly est aussi très particulière, avec de fortes pentes.
[Photo en Une: Flickr.com / CC / mompl]