La France célèbre vendredi le 60e anniversaire des accords d’Evian, signés le 18 mars 1962, qui conduisirent à l’application d’un cessez-le-feu le lendemain et marquèrent la fin de la guerre d’Algérie. Cette commémoration, qui tombe en pleine campagne présidentielle, permet aux candidats de s’exprimer sur ce sujet encore sensible.

Le 60e anniversaire des accords d’Evian, commémoré en pleine campagne présidentielle française, offre aux candidats l’occasion de réaffirmer leur point de vue sur ce pan sombre de l’histoire de France. Surtout à l’extrême droite.


Les élections présidentielles françaises auront lieu les 10 et 24 avril 2022. Qui succèdera à Emmanuel Macron à l'Elysée ?  Pour suivre les candidats et comprendre les grands enjeux de l'élection, suivez notre couverture.
Les élections présidentielles françaises auront lieu les 10 et 24 avril 2022. Qui succèdera à Emmanuel Macron à l’Elysée ? Pour suivre les candidats et comprendre les grands enjeux de l’élection, suivez notre couverture. ©France 24

Refusant de « flageller contre l’Algérie » et dénonçant l’élection du 19 mars pour commémorer la fin de la guerre, la candidate du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, a choisi sans surprise de faire un clin d’œil aux Français rapatriés d’Algérie étroitement liés à l’histoire de son parti, cofondé par des partisans de l’OAS, une organisation clandestine opposée à l’indépendance algérienne.

« Cette date (…) n’a pas été la fin de la guerre d’Algérie, car ce sont des dizaines de milliers de harkis – des musulmans qui ont combattu aux côtés de l’armée française dans la guerre d’Algérie – qui ont été brutalement tués », a déclaré Marine Le Pen. Les maires des communes du RN ou celles proches du RN ont déjà choisi de changer le nom de leurs rues qui s’appelaient « 19 mars 1962 ».

Ce discours contre le « repentir » est aussi régulièrement déclamé par Éric Zemmour, qui est issu d’une famille de juifs français d’Algérie.

Pour la chercheuse Emmanuelle Comtat, auteure d’une thèse sur les dits « pieds noirs » (personnes d’origine française ou européenne nées en Algérie à l’époque coloniale) et la politique, « Marine Le Pen s’intéresse aujourd’hui moins à ceux qui sont marqués par la fin de l’empire que par les perdants de la mondialisation ». Quant à Éric Zemmour, il considère qu’il utilise ce passé pour démontrer que la cohabitation entre différents groupes n’est pas possible.

A Perpignan, où, comme dans tout le sud, vit une importante communauté de pieds-noirs et de leurs descendants, le maire du RN, Louis Aliot, inaugurera samedi une exposition rendant hommage aux « pieds-noirs » et aux harkis victimes de la guerre .

Une histoire qui s’efface

Quelque 800 000 Européens ont quitté l’Algérie après les accords d’Evian. Certains disent qu’eux et leurs descendants représentent aujourd’hui entre deux et trois millions de Français. Ce chiffre est impossible à vérifier « dans une ville comme la mienne », assure le maire Louis Aliot, dont la mère a été rapatriée. Plusieurs monuments controversés ont été construits sous les mandats de ses prédécesseurs de droite.

Cependant, le maire convient que le vote des « pieds-noirs » « compte moins qu’avant ». « Les générations qui ont vécu ce drame sont de moins en moins nombreuses. C’est une histoire qui va s’éteindre », déplore Louis Aliot.

Présidente du Cercle Algérianiste, association dont l’objectif est « de sauvegarder et de défendre la culture et la mémoire des Français en Algérie », Suzy Simon-Nicaise, considère que « les élus de droite et du centre sont néanmoins attentifs à la mémoire des Français d’Algérie ».

Par l’intermédiaire de son association, Simon-Nicaise, qui était adjointe à l’ancien maire LR de Perpignan, Jean-Marc Pujol, a adressé une lettre aux candidats à la présidence. Quatre d’entre eux ont répondu. Tous sont de droite ou d’extrême droite : Valérie Pécresse, Marine Le Pen, Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan.

En revanche, elle s’en prend à Emmanuel Macron, dont elle n’a pas encore accepté les propos sur la colonisation comme un « crime contre l’humanité » lors de la campagne de 2017.

Le vote des pieds-noirs « n’a jamais existé »

Le 26 janvier, Suzy Simon-Nicaise avait choisi de ne pas se rendre à l’Elysée, où Emmanuel Macron, suite à son projet commémoratif de réconciliation, avait reconnu le « massacre » de la fusillade de rue d’Isly à Alger, dans laquelle des dizaines de sympathisants de la France L’Algérie a été tuée par l’armée le 26 mars 1962, sept jours après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.

Il a critiqué Macron, qui présidera samedi une cérémonie pour le 60e anniversaire des accords d’Evian à l’Elysée.

« Mes parents ont arrêté de voter en 1962, ils ne se sont jamais inscrits sur les listes électorales », se souvient le député néo-calédonien Philippe Gomes, dont la famille a fui l’Algérie. Mais il remercie Emmanuel Macron d’avoir mis « des mots sur des choses qui n’ont jamais été mises en mots » et promu un texte pour la reconnaissance et la réparation des harkis.

« La génération qui disparaît aujourd’hui a été très marquée par la décolonisation. Certains de ceux qui avaient vécu le choc du rapatriement étaient aussi plus intolérants à l’immigration », observe Comtat.

Le vote Blackfoot « n’a jamais existé », « il était très diversifié, comme celui de leurs enfants », ajoute-t-il. Selon elle, c’est « un souvenir de la perte qui s’est transmis », pas un héritage politique.

*Article adapté de son original en français

avec AFP

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