France. Face à l’horreur terroriste, la justice des hommes

France. Face à l’horreur terroriste, la justice des hommes

À l’issue du procès des attentats de janvier 2015 à Charlie Hebdo, à l’Hyper Cacher et à Montrouge, le quotidien belge Le Soir commente le verdict.

Trois mois et demi après son ouverture, le procès des attentats de janvier 2015 s’est achevé en France par un verdict équilibré. En soi, c’est déjà un exploit. Le dispositif mis en place a été exceptionnel. Il aura fallu accueillir dans plusieurs salles du palais de justice de Paris les nombreux acteurs du procès, les journalistes venus du monde entier et le public. Le tout suivant un protocole sécuritaire et sanitaire strict. Le cours du procès a dû être longuement interrompu, plusieurs accusés souffrant du Covid-19. Ce fut à l’honneur de la cour d’assises de ne pas se résoudre à les faire comparaître en visioconférence depuis leur cellule.

Les débats ont été filmés pour l’histoire. Qu’en retiendra-t-on dans cinquante ans, quand il sera possible de voir les images, au-delà de ces masques qui auront dissimulé les expressions des visages ? L’énorme émotion, d’abord, lors des témoignages des victimes.

Les récits des survivants de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher ainsi que des femmes et des hommes privés d’un être aimé ont bouleversé l’assistance. Comme si ce procès devait par leur intermédiaire marquer la résilience de la France. Ne dit-on pas souvent d’un procès, même si ce n’est pas son rôle, qu’il permet aux victimes de faire leur deuil ? S’agissant de ce traumatisme immense, c’est tout un pays qui est allé aux funérailles.

Ce procès, qui préfigurait celui des attentats de Bruxelles et celui des massacres du 13 novembre 2015 commis à Paris mais ourdis eux aussi par des Belges, laissera des regrets. Celui de n’avoir pas vu comparaître les acteurs des tueries, abattus par les forces de l’ordre. Manquaient aussi les frères Belhoucine, donnés pour morts en Syrie, et Hayat Boumeddiene, la veuve d’Amédy Coulibaly, en fuite. Absents encore, les trafiquants d’armes, déjà jugés séparément, qui ont permis aux assassins de passer à l’acte. Et, d’une certaine manière, Peter Cherif, arrêté alors que l’enquête était déjà bouclée. Commanditaire présumé de l’attaque de Charlie Hebdo, il a témoigné de sa cellule. Mais il n’a rien voulu dire.

L’accusation aura pâti aussi du manque de preuves, quand elle a voulu à tout prix livrer des coupables au pays, quelle que soit leur envergure. Mais après ce réquisitoire qualifié de “honteux” par la défense, le verdict, avec des peines allant de quatre ans à la perpétuité, a rétabli un juste discernement.

Au-delà des manques, il restera ainsi l’essentiel. Ce procès, où contre toute attente le rire s’est parfois invité mais jamais la haine, aura montré la force de la réponse démocratique à l’horreur meurtrière. Durant ces mois d’audience où la France a été frappée trois fois par de nouveaux attentats, il n’aura jamais dévié de son objectif de justice. À des crimes abjects, il a été répondu par la noblesse du droit.

Joëlle Meskens

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