La piétonisation des berges de Seine continue à Paris. Anne Hidalgo a annoncé que trois kilomètres de la rive droite seraient réservés aux piétons dès l’été 2016. La Maire de Paris poursuit un objectif clair: diminuer la circulation dans la ville. Quelles seront les conséquences économiques d’un tel projet ?

Dès l’été 2016, une partie des berges de Seine de la rive droite sera réservée aux piétons. Le projet, annoncé par la Maire de Paris Anne Hidalgo à la mi-octobre, concerne le tronçon de 3,3 km qui relie le tunnel des Tuileries au bassin de l’Arsenal. Chiffrés à 8 millions d’euros, ces aménagements s’inscrivent dans la continuité des transformations de la rive gauche : au printemps 2013, 2,5 km des berges de Seine ont été piétonisés entre le Musée d’Orsay et le Pont de l’Alma. Des installations sportives, artistiques mais aussi des restaurants et bars s’y sont établis.

De potentiels emplois créés

« En 2013, les terrasses et buvettes [de la rive gauche, NDLR] ont pu servir jusqu’à 300 couverts et ont accueilli jusqu’à 2000 personnes par jour », indique la mairie de Paris. Selon cette dernière, sur l’année, plus de 70 emplois auraient ainsi été créés dans les nouvelles activités de restauration.

Rive droite, les berges devraient accueillir « des buvettes, des jeux pour enfants, des terrains de pétanques, des petits city stades pour faire du sport », a détaillé Anne Hidalgo au JDD. Des bateaux amarrés pourraient abriter un marché de produit bio, une guinguette et un espace de co-working. Le tunnel des Tuileries se transformerait quant à lui en boîte de nuit ou en espace culturel.

Un ralentissement du trafic

« Nos adhérents ont vu leur temps de trajet augmenter, de même que celui de leurs employés, leurs commerciaux et leurs fournisseurs», indique Marie-Sophie Claverie, Directrice générale du MEDEF Paris. Dans un rapport datant de 2013, la Mairie de Paris constate une dégradation du temps de parcours entre le Pont Neuf et le Pont de la Concorde (1,9km) de 3 à 4 minutes sur la rive gauche. Le MEDEF préfère quant à lui énoncer une augmentation de 41% ce qui, par la magie des chiffres, revient au même. Concrètement, dans quelle mesure cet allongement du temps de trajet des entreprises pèse-t-il sur leur chiffre d’affaires ? « Nous ne disposons pas de bilan exact concernant l’impact économique réel », déplore Marie-Sophie Claverie.

Pour Paul Lecroart, urbaniste à l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile de France, qui a analysé la transformation de voies rapides dans plusieurs villes dans le monde, le trafic urbain devrait se rééquilibrer. « On appelle ce phénomène « l’évaporation des voitures ». Les gens s’adaptent, ne prennent plus leur voiture pour les trajets non indispensables et la pression sur le trafic diminue », précise-t-il. Une hypothèse à laquelle Julien Landel, Premier adjoint chargé des conseils de quartier des transports, de l’espace public et de la voirie du 4ème arrondissement, souscrit : « Depuis 2012, avec l’ajout des feux sur ce tronçon, la circulation a déjà baissé de 23%. Et cela devrait continuer ».

Un allègement du budget des ménages

Si les parisiens renoncent effectivement à leur automobile, ils pourraient sentir leur porte-monnaie s’alourdir. Les ménages consacrent en effet 11% de leur budget à l’automobile selon l’INSEE (2013), ce qui représente en moyenne 4 300 euros par année. « Le vélo est un moyen de transport très performant à l’échelle métropolitaine, notamment pour les ménages les plus fragiles », indique Paul Lecroart. « Les gens qui n’ont pas les moyens de s’acheter une voiture sont aujourd’hui captifs des transports. En favorisant la réduction de l’usage de la voiture et en mettant l’accent sur des infrastructures liées au vélo, comme les boulevards cyclables express ou les centrales de stationnement, une ville procède à un vrai transfert social. Elle améliore ainsi ses performances économiques et environnementales », expose l’urbaniste.

 

Maquette des aménagements de la rive droite. © LUXIGON
Maquette des aménagements de la rive droite. © LUXIGON

Une ville plus attractive pour les start-up ?

La piétonisation de Paris s’inscrit dans un mouvement international. « Les villes sont en concurrence les unes avec les autres et la qualité de vie est un critère important en termes d’attractivité », estime Paul Lecroart. Julien Landel espère que la piétonisation de la rive droite attirera les start-up dans le 4ème arrondissement. « Les jeunes entrepreneurs cherchent à s’établir dans des villes où il fait bon vivre, où leurs employés peuvent par exemple aller faire leur jogging au bord de l’eau durant l’heure du déjeuner », considère-t-il. « A l’échelle européenne, les villes attractives sont celles où les espaces publiques sont des lieux d’échange,  où l’usage de la voiture est limité, comme Copenhague, Amsterdam ou Zurich », renchérit Paul Lecroart.

Si l’objectif d’une ville agréable et respirable est partagé par le MEDEF, ce dernier questionne la méthode. «Pour que les start-up restent, il faut leur offrir des solutions pragmatiques. Or, actuellement aucune alternative n’est proposée en termes de transports en commun, qui sont saturés en Ile-de-France », rétorque la Directrice générale du MEDEF Paris. La Mairie a annoncé plancher sur un projet de tramway nouvelle génération qui relierait Paris d’Est en Ouest, à horizon 2020.

Le tourisme, grand gagnant

Il est un secteur qui ne doute pas des bénéfices de la piétonisation : celui du tourisme. « Passées les craintes concernant les livraisons et les trajets, les commerçants du quartier se réjouissent de l’arrivée des touristes attirés par ces aménagements », indique Julien Landel. « D’un point de vue touristique, il devient incongru de maintenir des voies rapides urbaines sur les berges d’un fleuve, renchérit Paul Lecroart. La voiture stérilise les espaces, alors que leurs usages sont infinis. »

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