Les Français retournent aux urnes. Les dimanches prochains -12 et 19 juin-, ils devront élire les 577 membres de l’Assemblée nationale. L’Union de gauche a bouleversé le climat politique en France et atteint la dernière ligne droite avec un léger avantage qui pourrait inquiéter les macronistes à la majorité absolue au Parlement.

Sept semaines après les élections qui ont donné à nouveau la victoire à Emmanuel Macron pour continuer à la tête de l’Elysée, les élections législatives arrivent avec des inquiétudes pour le président – qui dispose de la majorité au Parlement actuel – et de gros enjeux.

La pression monte depuis la victoire de Macron, lorsqu’il a devancé la dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen lors du second tour de la présidentielle, annulant sa troisième candidature à la tête de l’État.

Le pot a bouillonné alors que l’ennemi politique de Le Pen, le leader de gauche Jean-Luc Mélenchon, s’est allié à une frange de partis de gauche, une décision qui lui a permis de dépasser Le Pen et de regarder plus haut pour arracher une majorité à Macron au Parlement. .

Le paradoxe de cette joute politique est qu’alors que Le Pen arrive deuxième dans la course à la présidentielle, face à la troisième place de Mélenchon, et élève l’extrême droite à une performance électorale inédite, son parti aborde les élections législatives des 12 et 19 juin dans une position plus faible position que Mélenchon, fort de ses alliances.


Le leader des Nupes, Jean-Luc Mélenchon, prononce un discours lors du lancement de la coalition électorale de gauche (Nouvelle Union populaire, écologique et sociale -Nupes-) à Paris le 30 mai 2022.
Le leader des Nupes, Jean-Luc Mélenchon, prononce un discours lors du lancement de la coalition électorale de gauche (Nouvelle Union populaire, écologique et sociale -Nupes-) à Paris le 30 mai 2022. © Stéphane De Sakutin / AFP

Le parti de Macron et ses alliés centristes comptent 350 députés – 61 de plus que la majorité absolue – au parlement sortant. Cependant, son parti, La República en Marcha, a changé et a dû négocier avec d’autres centristes. Désormais, la viabilité de son programme dépend de la capacité des partis qui l’ont soutenu à conserver une majorité confortable dans la nouvelle Assemblée.

En jeu : la composition politique du Parlement

La gauche pourrait changer la composition politique à l’Assemblée avec les coalitions inédites menées par Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la nouvelle plateforme de gauche dénommée Nupes – Nouvelle Union Populaire, Écologique et Sociale – qui regroupe France Insumisa, Los Ecologistas, le Socialist Parti communiste et parti en pleine ascension, ce qui leur donne désormais l’espoir d’une victoire aux élections législatives.

Et c’est une préoccupation pour Macron car les électeurs français choisissent souvent de donner la majorité à la chambre au parti qui représente le chef de l’Etat élu. Mais dans ces élections, Nupes, le nouveau mouvement, s’est renforcé dans les sondages contre la formation de Macron et le Groupe national de l’extrême droite Marine Le Pen.

La chercheuse française Sandra Laugier, de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a été consultée par l’agence EFE pour comprendre une raison de plus de l’avancée de celui qui est devenu le grand ennemi du président centriste. « Mélenchon a réussi à se faire une place dans les médias, au sein d’une campagne peu suivie en France, due, en partie, au calendrier électoral », a expliqué Laugier.

Des élections qui ont lieu, depuis 2002, immédiatement après les présidentielles et qui ont historiquement conditionné les législatives.

L’autre inquiétude est le désintérêt des Français pour ces élections. Selon l’enquête Ipsos Sopra Steria publiée jeudi 9 juin, 46% des personnes interrogées déclarent voter dimanche 12 juin au premier tour -il y a 48 millions d’inscrits-. Le taux de participation au premier tour des élections législatives de 2017 a été de 48,7 %.



Brice Teinturier, directeur général délégué de l’Institut de sondage Ipsos, consulté par le média local ‘Franceinfo’, explique qu’il y a une « participation qui pourrait être entre 44 et 48%, donc une abstention qui pourrait être de 54% », a souligné Tinturier.

La coalition de gauche concentre le favoritisme

Le sondage Ipsos Sopra Steria pour les médias ‘France.tv’ et ‘Radio France’ publié jeudi 9 juin, donne un lien technique entre gauchistes et centristes.

Mélenchon demande aux Français depuis le 19 avril de l’élire Premier ministre et demandé que pour cela « la majorité soit donnée aux députés insoumis et à l’Union Populaire pour cette grande bataille » et qu’ils utilisent « les législatives comme un ‘troisième tour’ électoral » pour donner la majorité à leur formation.

« Si on veut, on peut. Et cette fois n’est pas une petite opportunité. Il y a une porte qui est là, soit tu la prends, soit tu choisis l’autre », a déclaré le troisième candidat le plus voté lors du premier tour de l’élection présidentielle française.

Pour Laugier, « le slogan ‘Mélenchon, premier ministre’ a atteint l’objectif d’attirer l’attention, même s’il est un peu utopique qu’il soit nommé premier ministre », souligne l’universitaire.

Mélenchon cherche à imposer une cohabitation – depuis le début du mandat – que le pays a déjà connue à trois reprises : 1986-1988, 1993-1995 et 1997-2002, les deux premières sous la présidence du socialiste François Mitterrand et la troisième sous le mandat du conservateur Jacques Chirac.

Et bien que Macron ait déjà nommé sa première ministre, Élisabeth Borne, un Parlement sans majorité du parti au pouvoir pourrait conduire à un changement d’exécutif. Mais Macron a prévenu que c’est lui qui nomme un gouvernement. A quoi Mélenchon a répondu sous l’argument que « la Constitution n’oblige pas le président, mais, par la politique suivie par Chirac ou Mitterrand, la personne qui a le mandat (politique) du Parlement est désignée ».

Au second tour (19 juin), selon ce sondage, la répartition des sièges prévoit que le Nupes peut remporter 175 à 215 sièges sur les 577 que compte l’Assemblée nationale. La coalition Ensemble pourrait obtenir entre 260 et 300 sièges et le Regroupement national de Le Pen pourrait en compter entre 20 et 50.

Suivent les députés de la coalition LR/UDI/DVD (Los Republicanos, La Unión de Demócratas e Independientes et La Diversa Derecha) qui obtiendraient environ 35 à 55 sièges, tandis que le nombre de députés de la coalition Izquierda Diversa (qui abrite Nupes dissidents) aurait entre 10 et 18 ans.

Ceci signifie que la majorité absolue, située dans les 289 sièges, serait en danger pour l’alliance macroniste.

Les thèmes de la campagne législative : violences policières, âge de la retraite et UE

La question de la sécurité est devenue importante en raison des récents épisodes de violences policières présumées, parmi lesquels les émeutes lors de la finale de la Ligue des champions le 28 mai, où il y a eu des braquages ​​et des supporters gazés par la police, et la mort d’une jeune femme abattu par des agents pour avoir sauté un poste de contrôle de police à Paris.

Mélenchon a déclenché le débat en déclarant, à propos de ce dernier fait, que « la police tue », suscitant l’indignation du centre, de la droite et de l’extrême droite.

Macron s’est impliqué indirectement dans l’arène électorale et s’est rendu ce jeudi dans le département du Tarn, dans le sud du pays, la zone électorale de Mélenchon, pour parler de police de proximité et de renforcement des brigades de gendarmerie.


Le président français Emmanuel Macron (au centre) écoute les explications d'un gendarme français lors d'une visite à la brigade de gendarmerie nationale à Gaillac, dans le sud de la France, le 9 juin 2022.
Le président français Emmanuel Macron (au centre) écoute les explications d’un gendarme français lors d’une visite à la brigade de gendarmerie nationale à Gaillac, dans le sud de la France, le 9 juin 2022. © Caroline Blumberg / AFP

De plus, il en a profité pour attaquer les positions du Nupes et de l’Association nationale vis-à-vis de l’Union européenne (UE).

« Que proposent les extrémistes ? Certains, n’appliquent pas les traités et, par conséquent, considèrent que c’est une association dans laquelle les règles ne sont pas respectées (allusion au Nupes). Les autres ne paient pas les cotisations (Association nationale) », a déclaré Macron.

Autre enjeu de campagne, le relèvement de l’âge de la retraite de 62 à 65 ans, qui confronte le gouvernement Macron aux deux mouvements qui aspirent à contrecarrer son pouvoir aux législatives.

Quand prendre sa retraite ? C’est encore une fois un point de friction et une possible érosion de la coalition Macron qui cherche à redéployer une majorité absolue au Parlement.

Les principaux adversaires de Macron, Le Pen et Mélenchon, ont vu l’âge de la retraite comme un talon d’Achille pour concentrer leurs attaques. Alors que Le Pen veut maintenir l’âge aux 62 ans actuels, le leader des Nupes entend l’abaisser de deux ans, à 60 ans.


Marine Le Pen, chef du parti d'extrême droite du Rassemblement national français, pose pour une photo avec le candidat local de son parti, Aurélien Lopez-Liguori, lors de sa campagne sur un marché en plein air à Agde, dans le sud de la France, le 9 mars. Juin 2022.
Marine Le Pen, chef du parti d’extrême droite du Rassemblement national français, pose pour une photo avec le candidat local de son parti, Aurélien Lopez-Liguori, lors de sa campagne sur un marché en plein air à Agde, dans le sud de la France, le 9 mars. Juin 2022. ©Pascal Guyot / AFP

Contrairement aux présidentielles, les législatives en France suscitent généralement peu d’intérêt dans l’électorat et cette année ne fait pas exception. Selon un sondage, seuls 38% suivent la campagne.

Les votes des circonscriptions étrangères sont déjà connus

Les élections ont déjà commencé pour les électeurs des régions d’outre-mer et les résidents à l’étranger. Les candidats d’Emmanuel Macron, au sein de la coalition Ensemble !, sont en tête du premier tour dans les circonscriptions étrangères.

Ils remportent huit des 11 circonscriptions des Français résidant à l’étranger et qui étaient en jeu au premier tour ce dimanche, qui se tenait une semaine avant les élections législatives de France métropolitaine prévues le dimanche 12 juin.

Selon les données du ministère de l’Intérieur, recueillies par l’agence EFE, les autres circonscriptions sont dirigées par deux candidats de la coalition de gauche Nupes et un autre du parti conservateur UDI. Les résultats définitifs de ces 11 sièges seront connus le 19 juin, après un second tour qui se tiendra entre les 17 et 18 juin.

L’une des surprises de ces 11 circonscriptions, qui représentent chacune un député, a été l’échec de l’ancien Premier ministre français Manuel Valls, né à Barcelone et candidat du parti La República en Marcha de Macron dans la cinquième circonscription étrangère qui comprend l’Espagne et le Portugal.

,Avec EFE, AP, AFP et médias locaux

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