« Où est la place de Sartre » ? Le café de Flore, aimant à écrivains

« Le matin, je suis assis au fond là-bas. C’était la place de Sartre », murmure l’écrivain, installé au café de Flore. Pour exercer la profession d’écrivain, finalement, il ne faut que trois choses : un stylo, du papier, et un lieu pour écrire. Charles Lancar, a choisi, comme de nombreuses plumes avant lui, le café le plus emblématique de Saint-Germain-des-Prés. « J’ai ma place attitrée. Je suis autorisé à venir quelques minutes avant l’ouverture du café le matin. Je m’installe là-bas, à l’abri des courants d’air ».

Charles Lancar est écrivain. Il écrit principalement de la littérature de jeunesse. Son dernier ouvrage, L’ombre et le philosophe, comme toutes ses autres oeuvres, a été écrit, ici, au cœur du 6ème arrondissement, dans le café de Flore. « Ça fait 45 ans que je fréquente le café ». Assis dans un coin, non loin de la porte d’entrée, il est seul à sa table. Un stylo plume et du papier à ligne pour seule compagnie. Sur la table, déjà deux tasses vides, cela fait maintenant deux heures que Charles Lancar cherche la formule parfaite pour achever son chapitre.

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Charles Lancar, bourse de la Maison des écrivains pour l’ensemble de son oeuvre.         (crédit: Julien Tranié)

Ecrire au café est une évidence. « J’ai un bureau chez moi, mais quand je me mets devant, j’ai envie de dormir. Au moins, ici, dans le café, il y a du chahut, du passage, c’est une ambiance propice pour moi ».

Le « Flore » et les grandes plumes, une légende cultivée.

Anne tient la caisse du Flore. Cela fait plus de 15 ans qu’elle travaille dans ce café. Elle en connaît toute l’histoire, les vraies anecdotes comme les fausses légendes. Assise sur son tabouret, elle prend le temps, de parler avec les clients, de faire vivre l’âme du « Flore ».

La place de Jean-Paul Sartre fait partie des légendes et du cachet de la maison. Anne explique : « Pour beaucoup de jeunes écrivains, le café reste un mythe. Ils viennent et demandent à s’asseoir à la place des plus grands ». Mais elle s’empresse, avec un large sourire, de rétablir la vérité : « l’histoire de la place de Sartre au fond de la salle est une énorme supercherie. Sartre et Beauvoir ne s’asseyaient pas toujours à la même table. Ils s’asseyaient comme tout le monde, là où il y avait de la place. M’enfin, pour les touristes, on dit que c’est la table, là-bas, au fond ».

Le « Flore », c’est avant tout un mythe culturel. A l’entrée, un garçon de café attend près de la porte. Il se tient prêt à accueillir le moindre client. « Bonjour monsieur, bienvenue ». Entrez et asseyez vous au fond à droite, vous serez à la place de Jean-Paul Sartre. A l’étage, vous vous assiérez là où l’auteur de l’Etranger aimait trouver l’inspiration. Ce café, qui règne sur le boulevard Saint-Germain depuis 1887 a vu défiler de nombreux écrivains, et vu naître, entre ses murs, des œuvres de génie.

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Le café de Flore au 172 du Boulevard Saint-Germain. (crédit: Julien Tranié)

Charles Lancar vient tous les jours, ses horaires sont rythmés par l’habitude. « Je reste 2h30 le matin et 3h l’après-midi. J’écris, je pense, je discute parfois. Je ne reste pas plus longtemps parce que malgré tout, ce n’est pas calme ici. On est vite fatigué ».

Une ambiance propice à l’écriture

Mais pour l’écrivain, le fait que Sartre ait élu ce café comme son « siège social », ne change rien. « Je ne suis pas là pour m’imprégner du génie de nos écrivains passés. Mais je pense que, comme eux, je retrouve ici une atmosphère propice à mon inspiration ».

Finalement, Charles Flancar incarne bien la proximité entre le café parisien et la figure de l’écrivain. « Je suis bien à ma table. Je ne suis pas dérangé, j’ai de la place et puis lorsque mon regard divague, je vois des scènes de vie ». Il conclue : « quand j’étais jeune, j’écrivais là-haut. Mais maintenant j’évite, il y a les marches à monter ». On a coutume de dire que dans sa vie on passe de Sartre à Camus. Au « Flore », on fait l’inverse. Mais toujours la plume au côté du café.

Julien Tranié

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