Les doutes soulevés par le président français sur le vaccin du laboratoire anglo-suédois rencontrent une réaction acerbe au Royaume-Uni. Emmanuel Macron tente de compenser les manquements en France, estime la presse conservatrice, qui l’invite à balayer devant sa porte.
Que lui est-il passé par la tête ? C’est la question qui préoccupe nombre de commentateurs britanniques compte tenu des récentes déclarations émanant de l’Élysée. Vendredi 29 janvier, devant des journalistes étrangers invités au palais présidentiel, Emmanuel Macron a exprimé ses doutes sur un des principaux vaccins contre le Covid-19, celui d’AstraZeneca, codéveloppé par la prestigieuse université d’Oxford. “Aujourd’hui, on pense que le vaccin est quasi inefficace pour les plus de 65 ans”, avait-il déclaré avant même l’avis de l’Agence européenne du médicament. Des propos rapportés aussitôt par Politico.
L’agence en question a autorisé le vaccin quelques heures plus tard et pour toutes les tranches d’âge. Mais, au Royaume-Uni, les doutes du président français ont fait grincer des dents. Un des responsables d’Oxford, sir John Bell, a aussitôt rétorqué qu’Emmanuel Macron cherchait à compenser la pénurie de doses que subit actuellement la France. “Je soupçonne qu’il y a là un peu de gestion de la demande de la part de M. Macron”, a-t-il dit, selon le Daily Telegraph.
Macron “piqué au vif”
Car il s’agit bien du même vaccin autour duquel s’est joué un mémorable bras de fer au niveau européen pendant toute la semaine, entre l’UE et le laboratoire anglo-suédois, qui avait annoncé des problèmes de livraison de son précieux produit. “Piqué au vif, Macron a déclaré que le vaccin mis au point par Oxford et AstraZeneca – et dont l’UE essayait désespérément d’obtenir des doses supplémentaires – était inefficace”, s’indigne en conséquence Spiked.
Pour le site britannique, Emmanuel Macron joue un jeu très dangereux :
Ses remarques vont accroître la méfiance envers le vaccin d’Oxford, pas seulement sur le plan international mais aussi en France. Or c’est déjà le pays européen le plus méfiant à l’égard des vaccins.”
Pour l’auteur de Spiked, ces propos témoignent de l’embarras qu’éprouve Emmanuel Macron à voir la France à la traîne dans sa campagne de vaccination alors que le Royaume-Uni, fraîchement sorti de l’Union européenne, mène la course en Europe, et ce “sous les yeux de la terre entière”. “La France se situe dans le bas du classement en matière de vaccination, assène-t-il. Le Royaume-Uni a administré huit fois plus de doses que la France.”
“Il serait peut-être temps pour la France de se concentrer sur sa propre campagne”
Pire enfin, l’Hexagone a échoué à développer son vaccin. Sanofi, qui constituait pourtant un pilier du plan européen de vaccination, avec 300 000 doses commandées par l’UE, produira le vaccin de la concurrence Pfizer-BioNTech en attendant de faire aboutir son propre projet d’ici à la fin de l’année. Conclusion : “Afin de détourner l’attention de ces échecs, Emmanuel Macron et ses ministres minimisent la réussite britannique.”
Car, lundi 1er février, le secrétaire d’État français aux Affaires européennes est revenu à la charge en critiquant la décision britannique d’espacer les délais entre les deux injections du vaccin Pfizer-BioNTech, douze semaines au Royaume-Uni contre vingt-huit jours en France. “Les Britanniques […] prennent dans cette campagne de vaccination […] beaucoup de risques”, a expliqué Clément Beaune. C’en est trop pour ce chroniqueur du Spectator : “Il serait peut-être temps pour la France de se concentrer sur sa propre campagne de vaccination plutôt que de critiquer celle du Royaume-Uni”, écrit-il en rappelant le nombre de personnes ayant ainsi profité d’une première dose de vaccin outre-Manche : 9,2 millions au 1er février.
Une success-story pour la campagne électorale
Dans un registre plus posé, Unherd ne se demande pas, comme Spiked, si “Macron a perdu la tête”, mais il le soupçonne néanmoins d’avoir “perdu le nord”. Pour ce site d’information, le fait qu’Emmanuel Macron se laisse aller à une attaque digne de Donald Trump contre un vaccin et que, le même jour, il se prononce contre un troisième confinement pourtant exigé par son conseil scientifique est la preuve qu’une autre pression s’exerce sur lui : celle de l’échéance présidentielle de 2022.
“La décision de ne pas reconfiner a été en partie prise pour de bonnes raisons (ne pas accabler davantage une population éprouvée), mais également pour d’autres plus retorses (donner l’impression que la France fait mieux que les autres)”, écrit le site. De la même manière, la critique d’AstraZeneca serait destinée à orner la campagne électorale de Macron d’une “victoire” en trois parties de la France dans sa gestion de la crise sanitaire.
Les trois éléments seraient : résister à un troisième confinement ; faire d’une campagne de vaccination ‘prudente’ et ‘honnête’ une grande réussite ; et rouvrir l’économie et la vie sociale à l’automne (à six mois de l’élection présidentielle). Il pourrait réussir.”
Comme il pourrait… ne pas réussir, et la France finir reconfinée, le programme de vaccination continuer à son rythme laborieux et le nombre de morts exploser – ce qui ferait évaporer les chances de Macron de se voir réélu, écrit le journaliste. “Pas étonnant que le président soit d’humeur grincheuse.”