Avec la charte des principes de l’islam de France et la loi confortant les principes de la république, deux piliers d’une réforme de l’islam de France souhaitée par le chef de l’État ont vu le jour, note la presse étrangère, qui prévient : reste à voir s’ils constituent réellement les avancées espérées.
Entre le discours contre les séparatismes d’octobre 2020 et la mi-janvier 2021, “beaucoup de sang a coulé, beaucoup de paroles furieuses ont été prononcées”, affirme The Local. Depuis que le président de la République a mis l’islam radical officiellement à l’ordre du jour, rappelle le site d’information, la France a été le théâtre de plusieurs attentats terroristes. Emmanuel Macron et l’Hexagone ont fait l’objet de la fureur du monde musulman et de vives critiques d’une partie de la presse anglo-saxonne. Au centre des reproches, la laïcité française, souvent interprétée comme une forme déguisée de racisme d’État, de discrimination et d’islamophobie. Mais cette semaine, enfin, “deux choses sont allées dans le sens des ambitions de Macron et coupent court à certaines critiques”.
D’abord, le soir du samedi 16 janvier, le Conseil français du culte musulman (CFCM) s’est mis d’accord sur une charte des principes de l’islam de France. Dans ce document, il a approuvé la création d’un Conseil qui aura pour mission de certifier les imams, d’affirmer la “compatibilité de la foi musulmane avec la République”, et de rejeter “l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques”. Ensuite, le lundi 18 janvier, a commencé l’examen, par une commission spéciale à l’Assemblée nationale, de la loi “confortant les principes de la République”. Deux signes que la presse étrangère juge majeurs pour faire avancer le projet d’Emmanuel Macron d’établir un “islam des Lumières” en France.
La charte, une intention louable mais porteuse de paradoxes
À Londres, le Daily Telegraph parle d’un “pas de géant pour l’islam français”. Mais au sujet de la charte, si la classe politique s’est unanimement félicitée de cet accord, certains religieux se montrent plus réservés. Le quotidien a interrogé le spécialiste de l’islam Hakim El Karoui, qui qualifie la charte de “déclaration d’intention louable”.
Mais il s’est dit surpris d’un ‘paradoxe’, celui de fédérations islamistes, qui composent le CFCM, financées par l’étranger et qui ont signé un texte entérinant l’élimination de toute influence étrangère et islamiste.”
Effectivement, le mercredi 20 janvier, trois fédérations du CFCM – les fédérations turques – ont refusé de signer la charte, preuve de l’extrême sensibilité du sujet et du caractère non abouti des discussions. Car le projet n’est pas nouveau, rappelle Le Temps, en Suisse : “Cette structuration de l’islam de France est un serpent de mer. Tous les gouvernements français successifs, depuis le début des années 2000, ont buté sur les divergences communautaires et sur la délicate question du financement des imams étrangers par les pays du Moyen-Orient.”
Au-delà des clivages internes, se pose aussi la question de la représentativité du CFCM, remarque The Local : seulement 1 000 mosquées sur les 2 500 que compte la France sont effectivement affiliées au Conseil.
Aussi, à un niveau plus théorique, on peut douter de la valeur d’un texte traitant de questions identitaires, observe en Allemagne un quotidien régional catholique. Die Tagespost écrit :
Une charte de principes conclue avec un État peut-elle modifier les croyances profondes de l’islam ? Cette charte se situe-t-elle au-dessus du Coran ? Le Conseil national des imams aboutira-t-il à la constitution d’un islam de France ? On peut en douter. Mais comment rendre l’islam compatible avec les principes démocratiques ? Comment résoudre la quadrature républicaine du cercle religieux ? Les questions d’identité ne se résolvent pas avec des textes. Mais il faut néanmoins essayer. Cette charte ne sera peut-être qu’un modeste, tout petit pas en avant.”
Un bénéfice pour l’immense majorité des musulmans de France
Ensuite il y a le texte de loi. Directement inspiré du discours sur les séparatismes, il compte une cinquantaine d’articles : 1 700 amendements ont été déposés.
Sur le site d’information The Local, le journaliste britannique John Litchfield résume les forces du texte : “Cette loi prémunit contre certaines formes radicales de l’islam. La France tout entière en bénéficiera, et plus particulièrement l’immense majorité des musulmans français qui souhaitent vivre leur foi sans être harcelés par des extrémistes religieux (ou l’extrême droite française).”
Mais des questions persistent là aussi, explique-t-il, et notamment celle de savoir dans quelle mesure un État strictement laïque peut légiférer sur les religions.
Mais, pour la première fois, un vaste pan de l’opinion musulmane modérée en France s’accorde sur un cadre en matière de liberté et de tolérance religieuses lui permettant d’exister et de se défendre.
Est-ce qu’il en ressortira un ‘islam français’ insipide et discrédité, comme le font valoir certains détracteurs ? Ou bien un ‘islam de France’ apaisé et constructif, qui saura mieux résister aux doctrines violentes et radicales encouragées depuis l’étranger ?”