Le Sénat français a approuvé à l’unanimité un projet de loi qui réformerait et durcirait la législation existante concernant les abus sexuels sur mineurs. L’initiative, qui pourrait prolonger le délai de prescription pour ceux qui ne signalent pas ce type de crime, intervient au milieu d’un cas présumé d’inceste qui secoue la société.
La publication du livre «La grande famille» de Camille Kouchner, dans lequel il révèle les abus subis par son frère jumeau alors qu’il était adolescent par son beau-père, a donné naissance à un nouveau mouvement #MeToo contre l’inceste.
Dans ce contexte, le Parlement français cherche à durcir les peines pour ceux qui commettent ce type de délit. En ce sens, l’initiative envisage que toute relation sexuelle avec un mineur de moins de 13 ans, consensuelle ou non, sera punie de 10 ans de prison et d’une amende de 150 000 euros.
<< Une interdiction sociale claire: tout acte de pénétration sexuelle entre un adulte et un mineur de moins de 13 ans est un crime, de même que tout acte oral et génital commis par un adulte sur un mineur de moins de 13 ans. Pour faciliter les poursuites, il ne sera pas nécessaire établir un élément de violence compulsive, de menace ou de surprise pour caractériser le crime (par opposition au viol ou à l'agression sexuelle) », lit-on en partie dans le texte du Sénat.
Le Code pénal français prévoit une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison pour les cas de viol d’une personne de moins de 15 ans.
D’autre part, l’inceste est un sujet tabou au sein de la société. En outre, la législation actuelle considère les abus sexuels commis par des parents non consanguins comme une relation incestueuse.
Une enquête récente, menée par l’institut de recherche français Ipsos, a révélé qu’une personne interrogée sur 10 affirmait avoir subi des abus sexuels de la part d’un membre de sa famille.
Nouvelle loi qui cherche à mettre fin à l ‘«omerta»
Il ne s’agit pas de la première tentative législative de durcir les peines applicables aux délits d’abus sexuels sur mineurs. En 2018, la loi dite Schiappa a été approuvée, qui a prolongé la prescription des délits sexuels contre des mineurs de 20 à 30 ans après l’âge de la majorité de la victime.
Mais l’initiative a reçu un ajout important dans la période précédant le vote du Sénat, augmentant le délai de prescription pour ceux qui ne signalent pas de tels crimes en ayant connaissance d’abus sexuels sur des enfants. Avec cela, les législateurs français cherchent à mettre fin au soi-disant code du silence ou «omertá».
« Le principal adversaire des victimes est, d’une part, le silence de ceux qui savent, et de l’autre l’aveuglement de ceux qui pourraient savoir », a déclaré la députée Laurence Rossignol au quotidien français Le Monde.
À l’heure actuelle, ceux qui cachent des informations relatives à un crime d’abus sexuel ont un délai de prescription de six ans. Avec l’initiative approuvée par les sénateurs, cette période serait portée à 10 ans (ou 20 ans dans le cas de crimes plus graves) après que la victime atteint l’âge de 18 ans.
Dans son livre, Kouchner révèle que des dizaines d’amis et de personnes proches de son cercle familial proche, dont beaucoup ont des noms familiers en France, étaient au courant des abus mais ont choisi de garder le silence.
« Bien sûr, j’ai pensé que mon livre pouvait sembler obscène en raison de la renommée de ma famille. Ensuite, j’ai pensé, c’est exactement ce qu’il faut faire », a-t-il déclaré dans une interview à l’hebdomadaire français L’Obs.
Un cas qui a choqué la société française
Le livre de Koucher, la fille de l’ancien ministre Bernard Kouchner et de la professeure de droit Évelyne Pisier (décédée en 2017) s’est remariée à Olivier Duhamel, a été dévoilé début 2021 et a rapidement suscité des réactions via les réseaux sociaux.
Le cas de son frère fait l’objet d’une enquête de la part des autorités, c’est pourquoi l’auteur du texte a été interrogé par la police le 14 janvier.
Suite aux révélations, Olivier Duhamel, considéré comme un intellectuel et homme politique important en France, a démissionné de toutes ses fonctions et de la présidence de la Fondation nationale des sciences politiques.
Pour l’affaire, plusieurs personnes proches de Duhamel ont été accusées d’avoir connaissance des événements depuis plusieurs années.
Avec l’AFP