La conclusion des élections présidentielles en France, avec la victoire d’Emmanuel Macron déjà confirmée, a marqué et poursuivi une chaîne de renouveau institutionnel qui se poursuivra en juin avec le « troisième tour ». C’est ainsi que les dirigeants de l’opposition ont décrit les élections législatives dans lesquelles ils aspirent à réaliser la cohabitation politique.
En France, la cohabitation est connue comme la coexistence forcée entre le président et le gouvernement de différentes enseignes politiques. Cela s’est produit trois fois sous la Vème République, la dernière entre 1997 et 2002, et « a priori » la réduction des mandats présidentiels de sept à cinq ans rend difficile sa réapparition.
Avec les lois en cours sur la table, l’Elysée et l’Assemblée nationale se renouvellent pratiquement en même temps, à quelques semaines d’intervalle, la tendance politique ne devrait donc guère changer. Pourtant, cette fois, les partis d’opposition tentent de constituer un front anti-Macron, tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique du président.
Techniquement, c’est au chef de l’Etat de nommer le Premier ministre et d’avaliser, sur proposition de ce dernier, le reste des membres du cabinet. Pourtant, dans la pratique, il ne pouvait pas imposer un Premier ministre contraire à la majorité législative, comme le rappelle l’universitaire Dominique Rousseau à franceinfo.
« L’article 49 de la Constitution précise que le Premier ministre doit avoir la confiance du Parlement », explique-t-il, ce qui signifie en pratique que l’Assemblée nationale pourrait rejeter presque immédiatement une candidature qu’elle n’estime pas liée.
Aucun président n’a jamais pris le pouls politique à ce niveau et, en tout état de cause, il devrait se limiter à suggérer des ministres potentiels, même si ceux-ci dépendent largement du degré de collaboration dont fait preuve le chef du gouvernement. Ni Jean-Luc Mélenchon, de France Insumisa, ni Marine Le Pen, d’Agrupación Nacional, ne semblent particulièrement collaborer avec Macron.
TISSER DES ALLIANCES
« Je demande aux Français de m’élire Premier ministre », a proclamé Mélenchon après avoir été éliminé au premier tour de l’élection présidentielle, où il était troisième derrière Macron et Le Pen. Dimanche dernier, il a insisté sur le fait que tous ses efforts seront concentrés sur le « troisième tour » et sur l’obtention d’une majorité parlementaire différente de celle de La República en Marcha et de ses alliés.
Mélenchon aspire à nouer des alliances avec d’autres mouvements de gauche –pour l’instant il ne tend pas la main au Parti socialiste autrefois puissant–, dans le but de prendre du poids et d’obtenir le plus grand nombre de sièges politiques. Le Pen travaille sur la même stratégie, avec ses vues non seulement sur l’extrême droite mais aussi sur les « patriotes » des groupes modérés tels que les Républicains.
Un Premier ministre contre la ligne de l’Elysée limiterait fortement la marge de manœuvre politique de Macron et pourrait même promouvoir des lois ou des décrets contraires à la volonté du président. En effet, Rousseau a rappelé que Jacques Chirac ne pouvait empêcher la mise en place de mesures telles que les 35 heures ou la couverture maladie universelle.
Cependant, le pouvoir du Premier ministre n’est pas non plus illimité, puisque ni Le Pen ni Mélenchon ne pourraient modifier la Constitution à leur guise pour introduire certaines des mesures qu’ils avaient promises dans la campagne, y compris la convocation de référendums. Macron aurait également toute latitude pour remettre en cause le travail du gouvernement et prendre ses distances avec lui sur des sujets potentiellement épineux, comme la politique internationale.
Le président a aussi un bouton nucléaire, celui de la dissolution de l’Assemblée nationale. Cette démarche doit se faire après concertation avec le Premier ministre et les présidents des deux chambres qui composent le Parlement, mais Macron ne serait pas obligé de suivre leurs conseils et pourrait arrêter « in extremis » l’approbation de lois particulièrement contradictoires pour le intérêts de la France.
Cet outil a certaines limites, puisqu’il s’agit d’un jeu unique. Si la majorité de l’opposition reste à l’Assemblée nationale après la répétition électorale, le président devra respecter la cohabitation, puisqu’il ne peut y avoir qu’une seule dissolution par an, ou démissionner.