Avec un dynamisme indéniable, la candidate de la gauche radicale imagine bousculer le panorama annoncé depuis le début : celui d’un second tour qui opposerait, comme en 2017, Emmanuel Macron à Marine Le Pen. Cependant, pour cela il devra relever plusieurs défis : convaincre l’électorat de la gauche modérée et les abstentionnistes.

Cela ressemble à une démonstration de force : en mobilisant des dizaines de milliers de personnes (100 000, selon la France Insoumise) le dimanche 20 mars lors de sa marche pour la VIe République, Jean-Luc Mélenchon a montré qu’il fallait en tenir compte au moins jusqu’à le 10 avril, pour le premier tour des élections présidentielles… Et peut-être même plus.

En effet, il y a un dynamisme dans la campagne du candidat de la gauche radicale. En plus du rassemblement de dimanche, les rassemblements de Jean-Luc Mélenchon attirent régulièrement des gens de tout le pays. Cela se traduit dans les sondages par une courbe qui, telle la tortue sagace de la fable de La Fontaine à laquelle elle est comparée, progresse lentement mais sûrement : Les sondages attribuent désormais entre 13% et 14% d’intention de vote. Bien qu’il figure à la troisième place, il est encore loin derrière Emmanuel Macron (30%) et Marine Le Pen (17-18%).

Dès lors, Jean-Luc Mélenchon est de plus en plus perçu comme un « votant utile » pour l’électorat de gauche. Les autres candidats de cette famille politique semblent être, selon les sondages, nettement distancés : l’écologiste Yannick Jadot atteint environ 5-6% des intentions de vote, le communiste Fabien Roussel apparaît avec 4-5% et la socialiste Anne Hidalgo ne pas dépasser 2 %.

Dans ce contexte, la marche pour la VIe République entendait convaincre les indécis. « Chacun est personnellement responsable du résultat, chacun a la clé du second tour. (…) Ne vous cachez pas derrière les différences entre les leaders et les étiquettes. C’est vous qui décidez. N’évitez pas « , leur a dit Jean. -Luc Mélenchon Et faisant du choix des électeurs de gauche au premier tour une « responsabilité morale » face au programme d’Emmanuel Macron, le candidat insoumis a prévenu : « Ce vote est un référendum social. Vous êtes prévenu ».


Cet argument sera-t-il efficace ? Certains ont déjà franchi le pas, comme Christine, une ancienne gilet jaune de 52 ans, qui a priori « n’est pas fan de Jean-Luc Mélenchon », mais est favorable à une VIe République qui permettrait, comme le Le candidat insoumis a promis, de passer à un système parlementaire et à une meilleure répartition du pouvoir entre le président, le Parlement et les citoyens. « Je voterai pour lui pour qu’on quitte la Vème République. La société se déshumanise, se dépolitise. Il faut changer le système. Je ne fais plus confiance aux hommes politiques, mais c’est notre dernière chance », a-t-il déclaré à France 24.

une image dégradée

Mais de nombreux autres électeurs de gauche restent réticents. L’image de Jean-Luc Mélenchon, ternie par ses accès de colère comme l’épisode « Je suis la République » en 2018 ou par ses positions de politique étrangère jugées trop favorables à la Russie, notamment le départ de la France de l’Otan, reste un inconvénient.

« Pour une fois, la politique étrangère prend une réelle importance dans la campagne et il sera difficile pour Jean-Luc Mélenchon d’arriver à convaincre toute une partie de l’électorat de gauche sensible à cette question et particulièrement favorable à l’adhésion. de la France à l’Otan », explique le politologue Gérard Grunberg, contacté par France 24.

D’autant que l’écologiste Yannick Jadot et la socialiste Anne Hidalgo ne cessent de l’attaquer sur le dossier ukrainien. Et plus l’hypothèse est plausible que le candidat insoumis ira au second tour de l’élection présidentielle, plus les propos deviennent tranchants ; comme celui d’Anne Hidalgo, qui caricature Jean-Luc Mélenchon de « complaisant et complice des dictateurs ».

Même l’ancien président socialiste François Hollande est sorti critiquer l’idée du vote utile pour l’homme politique du sud de la France. « A un moment donné, il faut avoir un président utile, pas seulement un vote utile », a-t-il déclaré mercredi 9 mars, sur la radio France Inter.

« L’enjeu est de taille pour le Parti socialiste, qui est en jeu pour sa survie », souligne Gérard Grunberg. On sait que cette élection est déjà perdue pour le PS, mais en termes d’image, l’entrée de Jean-Luc Mélenchon au second tour serait un coup fatal. »

Pour cette raison, la gauche modérée attaque de toutes ses forces l’ancien sénateur socialiste, quitte à privilégier un nouveau second tour entre Emmanuel Macron et l’extrême droite. « On se reconstruit plus dans un champ de ruines où tout le monde (à gauche) atteint un maximum de 12%, que dans un champ de ruines où Mélenchon atteint haut », estime un parlementaire socialiste, cité par le journal ‘Libération’.

La clé de la participation

L’autre clé de l’accès éventuel de Jean-Luc Mélenchon au second tour, ce sont les abstentionnistes. « J’ai constaté une augmentation constante de l’abstention et de l’apathie autour de moi. Il y a une grande désillusion vis-à-vis de la politique », raconte Hélène, 32 ans, qui a participé dimanche à la marche pour la VIe République, « malgré Mélenchon, plus pas pour lui », a-t-il plaisanté. France 24. Cependant, il estime que « Mélenchon a raison de proposer une assemblée constituante et la révocation des mandats » car « il faut rendre le pouvoir au peuple pour qu’il puisse s’impliquer à nouveau ».

Hélène a été séduite par la proposition d’une VIe République, d’autres électeurs pourraient être séduits par la retraite à 60 ans, le salaire minimum de 1 400 euros net, le gel du prix de l’essence à 1,40 euro, la subvention de 1 063 euros pour les étudiants ou la promis des investissements massifs dans les services publics. C’est en tout cas le pari que fait Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il envoie ses militants parler aux abstentionnistes dans les quartiers populaires, ou lorsqu’il s’adresse à eux en évoquant « un choix de société » en répétant trois fois, au cas où la proposition de Emmanuel Macron est passé inaperçu : « Retraite à 65 ans ! Retraite à 65 ans, retraite à 65 ans ».

« Ce que feront les abstentionnistes reste inconnu, mais le problème pour Jean-Luc Mélenchon, c’est que la plupart des Français jugent probable la réélection d’Emmanuel Macron », estime Gérard Grunberg. Or, il est possible que ce soit un facteur d’abstention, car sans réel espoir de victoire, les électeurs de gauche pourraient être démotivés ».

Conscient de cette réalité, Jean-Luc Mélenchon répond à cet argument en insistant sur les conséquences qu’aurait sa présence dans un débat d’entre-deux tours face à Emmanuel Macron. Au lieu de parler d’immigration et de sécurité devant Marine Le Pen, Éric Zemmour ou Valérie Pécresse, un second tour Macron-Mélenchon obligerait l’actuel président à parler de protection sociale, de bifurcation écologique, de logement et de retraite. Une perspective qui pourrait raviver le clivage droite-gauche et qui, au contraire, devrait donner des raisons d’espérer à l’électorat de gauche, analyse le milieu du candidat insoumis.


Les élections présidentielles françaises auront lieu les 10 et 24 avril 2022. Qui succèdera à Emmanuel Macron à l'Elysée ?  Pour suivre les candidats et comprendre les grands enjeux de l'élection, suivez notre couverture.
Les élections présidentielles françaises auront lieu les 10 et 24 avril 2022. Qui succèdera à Emmanuel Macron à l’Elysée ? Pour suivre les candidats et comprendre les grands enjeux de l’élection, suivez notre couverture. ©France 24

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