« Le réchauffement climatique est dû au Soleil » ; « il n’y a pas de consensus scientifique sur cette question » ; « la flore et la faune s’adapteront. » Malgré des sommets comme la COP26, ou encore des mises en garde de jeunes militants, les « climato-sceptiques » s’accrochent à leurs arguments. Mais à quel point sont-ils vrais ? Le climatologue Hervé Le Treut, membre de l’Académie française des sciences, répond.

Depuis des années, les scientifiques mettent en garde contre l’urgence climatique. Le réchauffement climatique est l’un des problèmes les plus importants, sinon le principal, de ce siècle. Cependant, face à sa gravité pour la vie sur Terre et les êtres qui l’habitent, certains entretiennent leurs doutes.

Le sommet de l’ONU sur le climat, la COP26, qui se tiendra à Glasgow (Écosse) du 31 octobre au 12 novembre, capte l’attention et se veut justement le « dernier » appel à l’attention. En contexte, France 24 compile quelques-uns des arguments auxquels se cramponnent les plus sceptiques, ceux pour qui le changement climatique n’est qu’un mirage.

Contacté par cette chaîne, le climatologue et professeur à l’université Soborna, à Paris, Hervé Le Treut, répond d’un point de vue scientifique.

  • Vrai ou faux : « Le temps a déjà changé dans le passé, ce n’est pas si mal »

Depuis 10 000 ans, nous vivons sous un climat stable. Ce que nous essayons donc de protéger, ce n’est pas le climat et la planète en général, mais plus spécifiquement les conditions climatiques qui nous ont permis de nous développer au cours des 20 000 dernières années.

Bien sûr, on pourrait penser que cela n’est pas utile, mais le problème est de savoir si nous voulons ou non maintenir l’état qui nous a permis de développer les conditions dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui. Maintenir ces conditions tout en préservant le système climatique est le plus grand défi.

  • Vrai ou faux : « Le réchauffement climatique est dû au Soleil »

Cet argument s’est avéré faux et l’a été pendant longtemps. C’est un fait factuel : en effet, nous avons des fluctuations du Soleil, avec des taches solaires qui marquent la capacité de l’étoile à être plus ou moins active.

Le lit de la lagune de Suesca, asséché en raison d'une grave sécheresse causée par le changement climatique depuis 2012, selon les autorités environnementales, dans une image prise le 9 mars 2021 dans la municipalité de Cucunabá, dans le centre de la Colombie.

Le lit de la lagune de Suesca, asséché en raison d’une grave sécheresse causée par le changement climatique depuis 2012, selon les autorités environnementales, dans une image prise le 9 mars 2021 dans la municipalité de Cucunabá, dans le centre de la Colombie. Raúl Arboleda / AFP / Archives

Mais ce ne sont pas des variations considérables et, d’autre part, ce sont des signaux rapides – un cycle typique dure 11 ans. Cependant, en cycles de 11 ans, nous en avons eu plusieurs, donc on voit bien qu’il y a des changements, notamment dans l’augmentation des températures, qui ne peuvent pas être expliqués par l’effet solaire. Il serait impossible de le défendre scientifiquement.

  • Vrai ou faux : « Il n’y a pas de consensus scientifique sur le réchauffement climatique »

Nous sommes confrontés à un problème qui est compliqué, et il y a des éléments qui rejoignent des points communs et d’autres qui n’y parviennent pas. Mais il y en a beaucoup de consensuels. Le fait que des gaz à effet de serre (GES) soient dans l’atmosphère et qu’ils y restent longtemps, provoquant un réchauffement important qui est très facilement perçu quand on regarde ce qui se passe à l’échelle globale sur la planète (…) Éléments montrent qu’il y a un réchauffement important, et il ne fait aucun doute qu’il y a un consensus.

Aujourd’hui, les arguments sont là, et sont visibles à l’œil nu pour certains : la montée du niveau de la mer, l’accélération du réchauffement des océans, la fonte des grands glaciers (…) Beaucoup de choses vont de pair sans tout élément qui les contredit. Par conséquent, il faut beaucoup de courage pour dire que nous n’avons aucun signe de ce problème, ou que ces signes ne suffisent pas.

  • Vrai ou faux : « Avec l’été qu’on vient de subir, et les vagues de froid, comment peut-on continuer à parler de réchauffement climatique ?

Ce type d’argument est très inapproprié car il traduit une incompréhension du problème climatique et de son évolution.

L’idée que nous avons affaire à des systèmes à la fois organisés par des activités humaines et organisés par des aspects chaotiques qui opèrent de manière inattendue est la réalité du climat. Nous avons, en même temps, des choses qui évoluent de manière cohérente, que nous pouvons anticiper, et d’autres que nous n’avons pas.

Le rapport BioScience assure qu'il nous reste très peu de temps pour trouver une solution au changement climatique.

Le rapport BioScience assure qu’il nous reste très peu de temps pour trouver une solution au changement climatique. iStock / Archiver

La preuve n’est pas nécessairement au niveau local. Mais quand on regarde à l’échelle mondiale, le nombre de situations anormales qui ont pu se produire (incendies, inondations), tout cela est vraiment quelque chose qu’on n’a pas vu auparavant avec la même force. Récemment, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a montré qu’il s’agissait également d’événements extrêmes, tels que les cyclones.

Le problème avec le climat est que nous sommes confrontés à des risques que nous ne pouvons pas toujours prévoir. Au cours des dix prochains jours, il pourrait y avoir une situation météorologique dont on ne sait pas ce qu’elle sera. D’autre part, quand on regarde comment les choses évoluent globalement, on est confronté à des phénomènes qui ne laissent aucune place à la déformation : on sait que, depuis 50-60 ans, le réchauffement a été très fort. Plus fortes que les fluctuations naturelles.

  • Vrai ou faux : « La situation n’est pas si grave, le Groupe GIEC est trop alarmiste »

Le rapport des experts du GIEC est préparé à l’unanimité par tous les pays signataires de l’accord-cadre des Nations Unies. Les pays sont nombreux (197), car ceux qui n’ont pas signé cet accord sont très peu nombreux. En l’état, cette unanimité est extrêmement forte.

Il est très difficile d’accuser le GIEC de prétendre de fausses choses. Dire que le GIEC est trop sévère ou trop alarmiste me paraît au contraire exagéré.

  • Vrai ou faux : « Dans tous les cas, les humains, la flore et la faune s’adapteront »

Nous ne sommes qu’au début de tout ce qui va arriver. Emissions à effet de serre, changement climatique (…) Dire avec insistance que cela n’aura aucun effet n’est pas du tout ce que la science montre aujourd’hui.

Nous sommes dans la première partie de quelque chose qui a commencé dans les années soixante-dix, qui a été vu avec plus de force depuis les années quatre-vingt-dix et qui connaît une croissance exponentielle. Ce qui se passera dans le futur, a priori, est une continuation de ce qui se passe déjà. Nous sommes dans une phase où le réchauffement se poursuit et nous savons pourquoi, car il est lié à des choses que nous avons pu anticiper grâce à des calculs qui se sont avérés corrects.

Pour les humains, il y aura une capacité d’adaptation peut-être plus forte que pour les autres espèces, mais nous sommes dans un monde très peuplé.

Le lac Oroville, dans le nord de la Californie, a subi une forte réduction de volume en raison de la sécheresse dans l'ouest des États-Unis.

Le lac Oroville, dans le nord de la Californie, a subi une forte réduction de volume en raison de la sécheresse dans l’ouest des États-Unis. Josh Edelson / AFP / Archives

Autrefois, lorsque les humains s’adaptaient, cela signifiait changer de place, se déplacer. Désormais, la terre de la planète est partagée, avec des règles très strictes. C’est l’un des risques auxquels nous sommes confrontés : le problème d’avoir des conflits forts liés à la migration, car le monde est fermé et nous ne pouvons pas aller où nous voulons.

Cependant, l’adaptation humaine ne sera efficace que si nous laissons les gens aller où ils veulent et se déplacer où ils veulent, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Pour les espèces animales et végétales, on observe des migrations qui accompagnent également une diminution très marquée de la présence de la plupart des espèces dans différents pays.

Il existe une documentation très solide sur tout ce qui est en train de disparaître en matière de biodiversité, que ce soit en rapport avec les types d’agriculture ou à cause des émissions de gaz à effet de serre.

Alors quand il s’agit d’adaptation des espèces, nous avons beaucoup d’indices montrant que ce n’est pas la voie qui se dessine aujourd’hui.

Article adapté de sa version originale en français.

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