Avec son veto contre le confinement, le président français a surpris, rapporte la presse étrangère. Cette dernière analyse les raisons – très politiques – pour lesquelles Emmanuel Macron a préféré éviter de recourir une troisième fois à cette réponse drastique à la pandémie de coronavirus.
Nombreux étaient les Français à s’y être préparés psychologiquement. Mais finalement il n’en a rien été. “Pas de troisième confinement en France”, titre la Frankfurter Allgemeine Zeitung.
À la sortie du dernier Conseil de défense sanitaire, vendredi 29 janvier, le Premier ministre a surpris tous ceux qui lorgnaient, depuis une semaine, sur leurs attestations dérogatoires : “Nous pouvons nous donner une chance d’éviter un confinement”, a déclaré Jean Castex.
Une décision présidentielle surprenante, souligne le quotidien allemand, qui rappelle que même le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, s’était encore employé, vendredi, à préparer les esprits à un confinement sévère.
Mais malgré des chiffres de contamination au coronavirus en hausse, les Français ne seront pas reclus chez eux et les écoles et crèches resteront ouvertes. Au lieu de cela, l’Hexagone a fermé ses frontières aux pays hors de l’Union européenne et baissé les rideaux des grandes enseignes non alimentaires pour continuer à freiner la propagation du Covid-19.
Le “en même temps” devient un “donnant-donnant”
Il s’agit là d’une “stratégie risquée”, estime la Neue Zürcher Zeitung. “Cela fait des semaines que médecins et professionnels de santé demandent de plus en plus urgemment l’instauration de mesures plus strictes”, explique le quotidien suisse. Et si les correspondants étrangers arrivent en grande partie à cette conclusion, ils font plusieurs lectures possibles des dernières informations venues de France.
En Suisse toujours, Le Temps voit dans la réponse modérée de l’Élysée un “avertissement adressé par l’exécutif”. Au corps médical d’abord, “dont le président français est persuadé qu’il peut encaisser le choc actuel”, écrit le quotidien de Lausanne, racontant qu’Emmanuel Macron s’est agacé des mises en garde très médiatiques du monde médical.
Ensuite, un avertissement aux élus, “à tous les niveaux”. “Ce sont eux, dans les communes, dans les départements et dans les régions, qui doivent sensibiliser la population et aplanir les difficultés bureaucratiques qui pèsent sur la campagne de vaccination.”
Ainsi, le président aurait choisi une nouvelle approche à la crise sanitaire que le quotidien résume dans une formule encore inédite du macronisme : “Le ‘en même temps’ macronien s’est transformé en un ‘donnant-donnant’ : d’accord pour prendre des risques si tout le monde se serre les coudes…”
Le poison de la solitude
Ensuite, il y a aussi cette autre explication, rappelle la FAZ : Emmanuel Macron “craint une diminution de l’acceptation des restrictions liées à la pandémie”. Récemment encore, il a épinglé une “nation de 66 millions de procureurs”, explique le quotidien de Francfort.
Si les Français ne se sont pas rebellés lors des deux premiers confinements, les restrictions actuelles et la perspective d’un troisième recours à la mesure la plus stricte poussent “certains Français à bruyamment exprimer leur ras-le-bol”, explique la NZZ. En témoigne l’apparition du hashtag #JeNeMeConfineraiPas ainsi que quelques protestations de restaurateurs, durement frappés par la crise. “Courant janvier, les étudiants sont également descendus dans la rue pour faire part de leur mécontentement dans plusieurs villes de France”, souligne le quotidien.
En ce sens, le veto contre le confinement est une “décision très politique”, estime la Saarbrücker Zeitung.
C’est avec inquiétude que l’on observe la situation aux Pays-Bas, pays d’ordinaire si détendu, où l’opposition aux mesures restrictives a tourné à la violence. La crainte du déclassement social s’accroît, le télétravail est vécu par bon nombre de personnes comme une mise à l’écart et le poison de la solitude menace de plus en plus de gens.”
Alors que l’option du confinement reste sur la table, la France est désormais engagée dans un “pari”, juge Le Temps. “Emmanuel Macron estime que le gouvernement ne peut plus se contenter de ‘protéger’. Il lui faut prendre des risques.”
Une vision que partage la Saarbrücker Zeitung.
Macron sait bien sûr qu’il s’agit avant tout de sauver un maximum de malades. Mais il est également conscient qu’il faut aussi maintenir un minimum de qualité de vie pour les autres. Avec cette décision, le président sait qu’il opère avec une marge de manœuvre très étroite et il fait le pari de l’espoir.”
On saura très vite, prévient le quotidien, s’il a choisi le bon chemin. Il faut désormais miser sur une absence de hausse des contaminations et sur la fin des retards dans la campagne de vaccination. Avec cela, et l’arrivée du printemps – la hausse des températures aidant –, la France pourrait finir par mieux contrôler le virus.