Parler d’avenir, la justice piratée, high-tech pour minous et la gazette héroïque

Parler d’avenir, la justice piratée, high-tech pour minous et la gazette héroïque

Donald Trump a menacé pendant des mois de rester à la Maison-Blanche, mais BuzzFeed révèle qu’il préparait tout de même en douce sa reconversion professionnelle. Le journal en ligne détient des documents prouvant que le président sortant, peu après les élections, négociait un deal avec les dirigeants du réseau social Parler. Ces derniers lui proposaient 40 % des parts du site ; en échange, Trump s’engageait à y publier ses messages en exclusivité et à attendre quatre heures avant de les rediffuser sur les concurrents Twitter ou Facebook.

Avant novembre, plusieurs médias avaient commencé à courtiser le président. NewsMax et OANN, deux chaînes de télévision rivales de Fox News, lui garantissaient un rôle de future star sur leurs plateaux. Du coté d’Internet, Gab, un site alors microscopique, et surtout Parler se présentaient comme des havres de libre expression et des refuges contre la prétendue censure imposée par Twitter et Facebook aux idées conservatrices. Tous deux lorgnaient les quelque 150 millions de followers et d’amis du tribun des réseaux sociaux.

Mais le marché n’a jamais été conclu. Dès le mois de décembre, les avocats de la Maison-Blanche ont aimablement averti Donald Trump qu’il était toujours en poste et que ce deal enfreignait toutes les règles. Ensuite, les émeutes du 6 janvier ont mué le président en véritable paria. Puis est venu le coup de grâce : Parler, exclu des catalogues d’applications d’Apple et de Google, puis boycotté par le serveur d’Amazon en raison de son rôle dans la préparation de l’assaut du Capitole, a dû fermer boutique. Il ne serait pourtant pas invraisemblable que Trump, banni à vie par Twitter, trouve après son procès pour impeachment un nouveau porte-voix pour sa revanche politique.

Le flair d’Hollywood

On voit déjà le scénario : d’un côté l’élite de la finance, les hedge funds cyniques et assoiffés de profit ; de l’autre, les damnés de la terre armés de leurs seuls claviers, fomentant la révolution de Wall Street sur le réseau social Reddit. L’épopée de GameStop, cette chaîne de magasins de jeux vidéo muée en cause héroïque des boursicoteurs, s’est achevée par la défaite (provisoire) des “méchants”, affligés de 19 milliards de pertes, pour avoir misé sur la chute de l’action. Maintenant, Hollywood flaire l’aubaine. La MGM et Netflix cherchent à racheter les droits de l’histoire pour concocter chacun leur film. Mais les racheter à qui ? Le New York Times raconte les empoignades entre les abonnés du groupe WallStreetBets de Reddit, où a commencé la conspiration. Les studios ont déjà approché des modérateurs bénévoles du groupe, mais WallStreetBets a radicalement changé, passant de 2 à 8 millions de membres depuis le début de l’aventure. Et les nouveaux venus veulent aussi vendre leurs faits d’armes au show-biz. Autant pour le happy end…

Dossiers piégés

En attendant d’inspirer les scénaristes, le gigantesque piratage dont ont été victimes les États-Unis pendant toute l’année 2020 chamboule toutes les institutions américaines, et en particulier, raconte Associated Press, les cours de justice fédérales. Les hackeurs des services de renseignement russes se sont introduits dans les fichiers des procureurs américains, accédant probablement à des trésors d’informations confidentielles sur des brevets industriels litigieux ou sur des enquêtes en cours concernant des entreprises et des personnes de premier plan. Faute de savoir ce que les pirates détiennent et s’ils sont toujours à l’œuvre, les greffes des tribunaux recourent aux bons vieux dossiers papier pour les affaires les plus sensibles. Par chance, le fichier le plus secret de la justice américaine, contenant les ordres de filature et de surveillance de suspects liés à la sécurité nationale et à l’antiterrorisme, ne semble pas avoir été compromis…

Pâtée cellulaire

Selon The Economist, c’est un fait de société. Dans le monde occidental, les propriétaires (les parents, doit-on dire) d’animaux de compagnie sont plus fréquemment végétariens que le reste de la population. Et, pour beaucoup d’entre eux, servir de la viande à leurs adorables carnivores pose un cas de conscience. D’où l’idée de Because Animals, une start-up de biologie alimentaire de Philadelphie, de concevoir une pâtée pour chat à base de culture cellulaire de succulente viande de souris. À partir de cellules prélevées par biopsie sous la peau d’un mulot, les chercheurs ont déjà obtenu des résultats probants et envisagent de commercialiser ces boîtes dès l’année prochaine. La maison précise que l’animal pourvoyeur de cellules coule des jours heureux dans “un confortable logis pour rongeurs”.

Antitrust

Là encore, c’est une histoire de David contre Goliath. Le Charleston Gazette-Mail, un journal local de Virginie-Occidentale, État souvent raillé comme un trou perdu, vient carrément d’intenter un procès fédéral à Facebook et Alphabet, maison mère de Google, pour abus de position dominante en matière de publicité en ligne. Le Wall Street Journal détaille la plainte de ce canard fort de 30 000 lecteurs, sauvé de la faillite par un industriel local en 2018 et bien décidé à arrêter le déclin de ses recettes publicitaires. L’État fédéral a déjà multiplié les recours antitrust contre les deux géants de la tech, mais c’est la première fois qu’un journal, par ailleurs petit et vulnérable, a le cran de tenir tête aux grands maîtres d’Internet.

Philippe Coste

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