#Occupyterrasse : après les attentats, réinvestir l’espace public

Quelques Parisiens expriment dès le lendemain des attentats sur les réseaux sociaux leur volonté de réinvestir les terrasses parisiennes après les horreurs de la nuit de vendredi à samedi. Les hashtags se multiplient : #terrasse, #occupyterrasse, #jesuisterrasse, #onestenterrasse, #tousaubistrot, #bistrotducoin, entre autres. Une façon d’inciter à renouer avec cette habitude festive ou détendue, avec ces lieux de convivialité qui leur sont chers.

Mais dans la soirée du lundi, quatre jours après les attaques, ils sont encore rares à oser s’installer dehors. Une petite dizaine de personnes parsème les terrasses ordonnées de la rue Dupetit-Thouars. Autour du Faubourg du Temple, aux frontières du 11e et du 10e arrondissement parisien, les trottoirs se sont couverts de tables rondes de bistrot et de chaises en nylon tressé. Les serveurs sont aux aguets mais les passants ne s’arrêtent pas : « D’habitude, même un lundi soir, on a pas mal de monde. On sert une trentaine de couverts », explique Maxime, serveur au Bistrot Blanc Cassis. « Aujourd’hui, on a à peine une dizaine de clients, les gens ne sont pas rassurés. Nous non plus d’ailleurs. » Aux façades des immeubles pendent toujours les banderoles agacées des riverains : « Stop au tapage nocturne », « Droit au sommeil, stop au bruit », « Respectez nos nuits ». Ce soir-là, personne à interpeller, aucun éclat de voix à réprimer, les rues sont d’un calme inquiétant qui ferait presque regretter la cacophonie habituelle.

Un acte de résistance

« Pour nous, c’est un acte de résistance », explique Nicolas, 22 ans, devant une bière au Café Crème, à l’angle de la rue Charles-François Dupuis. Deux jours auparavant, vers 21h30, le jeune homme descend acheter de quoi dîner en bas de chez lui, rue du Faubourg du Temple, et depuis l’escalier, entend des coups de feu. Il se fige, les détonations font place aux cris d’effroi et de panique. Nicolas abandonne l’idée de dîner, puis de dormir. Il ne sort pas du week-end. Sa crainte et son vif sentiment d’impuissance l’invitent à rester cloîtré. « Pas question de sortir samedi soir, je ne me sentais bien que chez moi, on savait pas s’il restait des mecs qui tiraient, c’était trop dangereux. » Dimanche midi, un de ses amis sonne chez lui et l’invite à faire un tour, voir le jour.

Pour les riverains des arrondissements touchés, il s’agit de se réapproprier l’espace public. Du côté des restaurateurs, la sérénité revient peu à peu ce lundi soir : « A midi, je n’étais pas encore rassuré à l’idée de placer les clients en terrasse. Ils se sont d’ailleurs presque tous dirigés d’eux-mêmes vers l’intérieur. Comme un réflexe. Deux personnes m’ont demandé une table en terrasse, j’ai argumenté qu’il faisait frais et elles se sont ravisées »n confie Bilal, serveur chez Mlle Shawn, restaurant de la rue Perrée.

Envoyer un message au monde

Pour Allison, 20 ans, assise en terrasse, il s’agit de montrer au monde entier qu’à Paris, « la vie continue ». Elle a d’ailleurs tenu à envoyer des photos de la place de la République et de sa « petite-bière-en-terrasse » à ses amis, par les réseaux sociaux Snapchat et Facebook. D’autres se fédèrent derrière des hashtags sur Twitter et Instagram. A l’image de ce jeune journaliste qui tweetait en terrasse, dimanche. Il se trouvait place d’Aligre, à quelques centaines de mètres de la rue de Charonne où dix-neuf personnes ont trouvé la mort à la terrasse du restaurant La Belle Equipe, vendredi soir.

Comme lui, près d’un millier d’utilisateurs de Twitter ont eu recours au hashtag #occupyterrasse entre samedi et lundi. Le choix de ce vocabulaire fait référence au mouvement « Occupy, we are the 99% » de protestation sociale. Ce slogan est synonyme de lutte contre l’oppression de la masse par un petit groupe. Une façon de s’élever contre la terreur à laquelle les djihadistes de l’Etat islamique entendent soumettre les Français.

Joséphine Devambez

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