Nicolas Sarkozy condamné, la démocratie renforcée

Nicolas Sarkozy condamné, la démocratie renforcée

Dans un éditorial, El Pais salue la “condamnation exemplaire” rendue contre l’ancien chef d’État. Elle illustre la vigueur de la séparation des pouvoirs dans la démocratie française, selon le quotidien espagnol.

Personne n’est au-dessus des lois. C’est le principal message envoyé par la justice française avec la condamnation pour corruption et trafic d’influence de Nicolas Sarkozy, président de la République de 2007 à 2012. Sarkozy a, selon le tribunal, conclu un “pacte de corruption” avec son avocat et ami proche Thierry Herzog, et un avocat général de la Cour de cassation, Gilbert Azibert. En échange d’informations sur une affaire impliquant Sarkozy, Herzog avait promis d’aider Azibert à obtenir un poste dans la principauté de Monaco. Les enquêteurs ont découvert le projet en écoutant les conversations entre Sarkozy et Herzog sur un téléphone portable secret, une ligne ouverte expressément pour échapper à la justice.

Il y aura sans doute un recours en appel [Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog et Gilbert Azibert ont annoncé leur volonté de faire appel du jugement en première instance], et il ne s’agit là que d’une étape dans la longue bataille entre l’ancien président français et les juges. Mais c’est une condamnation exemplaire. D’abord parce que c’est une réponse forte de la justice aux multiples tentatives d’intimidations de Sarkozy, qui se fait passer pour la victime d’un complot. Deuxièmement, le délibéré indique clairement que les faits commis sont d’une “particulière gravité, ayant été commis par un ancien président de la République” qui, pendant son mandat, a été “le garant de l’indépendance de la justice”. Et troisièmement, le tribunal correctionnel rappelle que, dans une démocratie, personne ne peut échapper à la loi.

Ce n’est pas la première fois qu’un chef d’État est condamné sous la Ve République, ce régime présidentiel fondé en 1958 par le général de Gaulle. En 2011, Jacques Chirac avait été condamné à deux ans de prison [avec sursis] pour détournement de fonds publics et abus de confiance quand il était maire de Paris. Dans les deux cas, les faits ont eu lieu avant ou après leur séjour à l’Élysée. La Constitution française permet que le chef de l’État puisse être poursuivi, pour des actes sans rapport avec ses fonctions, mais pas tant qu’il exerce celles-ci.

Le fait que deux des quatre derniers chefs d’État aient été condamnés par la justice est problématique. Un phénomène qui s’explique peut-être par l’ivresse du pouvoir et le système de la Ve République, qui affaiblit les contre-pouvoirs, confère au président une aura quasi monarchique et facilite des comportements comme celui de Sarkozy. Mais cette affaire montre aussi que la République française dispose des mécanismes nécessaires pour sanctionner de tels agissements, et ce jusqu’à la plus haute magistrature de l’État. Comme le souligne le tribunal, rien n’est plus grave que de voir le garant de l’indépendance de la justice bafouer les lois, alors qu’il devrait justement faire preuve de la plus grande exemplarité.

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