Les élections françaises de 2002 ont supposé pour la France le réveil définitif de l’extrême droite comme réalité politique. Deux décennies plus tard, deux candidats conservateurs radicaux, Marine Le Pen et Éric Zemmour, aspirent à se rendre au second tour dans un scénario où les partis traditionnels n’ont toujours pas retrouvé leur importance perdue.

La famille Le Pen a déjà été présente à deux reprises dans ce second tour : en 2002 aux mains de Jean Marie, fondateur du Front national, et en 2017 avec sa fille et héritière politique. Le patriarche a obtenu 5,5 millions de voix et Marine Le Pen a quasiment doublé ce résultat, dépassant les 10,6 millions de voix en sa faveur.

Cinq ans plus tard, Marine Le Pen revient dans la mêlée avec ce qu’elle a elle-même promis d’être sa dernière candidature à la présidentielle. Il le fait à la tête d’une formation renouvelée, aujourd’hui Agrupación Nacional, et après quelques années au cours desquelles il a tenté de se débarrasser de son image radicale pour se vendre comme une alternative réaliste.

Ce n’est pas en vain que socialistes et conservateurs ont maintenu pendant des années un « front républicain » qui, en pratique, représentait une alliance contre tout risque d’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Ce cordon sanitaire s’est estompé à mesure que les partis traditionnels s’essoufflent, même si en réalité le risque est désormais plus grand.

En fait, Le Pen a déjà remporté la victoire aux élections européennes de 2019 et les sondages la placent au deuxième rang des intentions de vote pour le premier tour des élections présidentielles ce dimanche, seulement derrière l’actuel président français, Emmmanuel Macron, auquel il aspire. à sa réélection à la tête de La República en Marcha.

Zemmour est également dans le groupe de tête dans les sondages, aux côtés d’autres candidats comme la conservatrice Valérie Pecresse ou le gauchiste Jean-Luc Mélenchon. Dans son cas, il n’a aucune expérience politique, mais son saut des talk-shows télévisés lui a permis d’entrer en campagne comme un ouragan.

Zemmour, qui promet de « sauver » la France avec un discours xénophobe, est arrivé deuxième dans les sondages, bien que la bulle se soit en partie dégonflée. Parmi ses alliés avoués les plus emblématiques figure Marion Maréchal Le Pen, ancienne députée et nièce de Marine Le Pen.

Pour le chef de l’Association nationale, il s’agit d’une trahison « incompréhensible », même si ce que cette tournure des événements révèle vraiment, c’est que pour la première fois, il y a deux candidats de droite radicale avec des options pour ajouter plusieurs millions de voix aux urnes. Les analystes ne sont pas d’accord à ce stade sur la question de savoir si Le Pen bénéficiera d’une sorte de « vote utile » en apparaissant en tête dans les sondages et en progressant.

LA « BANALISATION » DU MESSAGE

Avec une gauche floue et la socialiste Anne Hidalgo sans options, si ce n’est une surprise de la part de Mélenchon, tout indique que Macron aura un rival de droite au second tour. Le président a défendu dans ses quelques actes publics et interviews qu’il est le seul capable d’arrêter le « tandem » de Zemmour et Le Pen, surtout ce dernier.

De même, il a déploré la « banalisation » du discours de l’extrême droite et a souligné que « respecter » les projets qu’ils présentent ne peut être un obstacle à exposer « ce qui est la réalité ». « Si on dit que c’est un programme amical, comme les autres, ce n’est pas de l’extrême droite, tout va bien », a-t-il récemment déclaré.

A gauche, plusieurs candidats ont accusé Macron d’être celui qui donne des ailes à l’extrême droite. La socialiste Anne Hidalgo a glissé dans une interview que le président aimerait devenir le seul candidat raisonnable dans « un paysage politique totalement exploité » et c’est, selon elle, « jouer avec le feu ».

La vérité est que Macron, qui aspire à pêcher à nouveau les votes à gauche et à droite du spectre politique, se dresse comme un pare-feu contre deux candidats qui ont été contraints à des équilibres dialectiques et politiques pour parler de la guerre en Ukraine, l’un des les axes clés de la campagne.

Agrupación Nacional a été obligée de retirer des milliers de brochures dans lesquelles une image du président russe Vladimir Poutine figurait avec Le Pen, mais ces anciennes entreprises ne semblent pas avoir fait des ravages sur ce dernier et après un démarrage compliqué – tant elle que difficile pour Zemmour d’obtenir les garanties nécessaires pour officialiser leurs candidatures à l’Elysée – il a tenté d’affirmer son programme électoral.

Avec un discours un peu moins radical sur certaines questions –par exemple, il n’appelle plus à la sortie de l’UE ou de l’euro–, il maintient toujours des signes comme le renforcement de la sécurité ou la lutte contre l’immigration, pour lesquels il propose un référendum . En matière économique, il propose entre autres des réductions d’impôts et la privatisation de la radiodiffusion publique.

Zemmour et son mouvement Reconquête aspirent également à convoquer une consultation sur l’immigration, la sécurité et la justice et proposent de supprimer le regroupement familial des migrants. Comme Le Pen, il propose des baisses d’impôts, tandis qu’au niveau continental il souhaite que l’UE devienne une « Europe des nations ».

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