Après deux ans de pandémie et en pleine guerre en Europe avec ses répercussions respectives, le coût de la vie et la perte de pouvoir d’achat sont les enjeux qui préoccupent le plus les Français, selon les sondages. Mais le rôle de la France à l’étranger et les clivages en politique intérieure marqueront aussi la marge de manœuvre du prochain président sur d’autres dossiers comme l’éducation et une éventuelle réforme des retraites.

Les résultats des élections présidentielles en France auront des implications à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières.

Avec le mécontentement face à la hausse du coût de la vie alors que l’inflation atteint ses plus hauts niveaux depuis des années, un problème résonne pour le prochain gouvernement et dans l’esprit des Français : retrouver le pouvoir d’achat.

L’économie refait surface au sommet de l’agenda au point où elle a aidé à noyer les liens passés de la candidate d’extrême droite Marine Le Pen avec le président russe Vladimir Poutine sur l’échiquier politique. Avec ses promesses en matière financière, Le Pen a renforcé ses options pour occuper l’Elysée.

Et au-dessus des critiques pour certaines de ses politiques économiques, le président Emmanuel Macron a promis « plus de justice sociale et d’accompagnement pour améliorer le pouvoir d’achat » des Français.

Mais la France est aussi une figure très influente de l’Union européenne (UE) et la seule puissance nucléaire outre-Atlantique à disposer d’un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU. Face à la guerre en cours de la Russie contre l’Ukraine, le gouvernement français contribuera à façonner la réponse de l’Europe à la guerre et à ses conséquences mondiales.

L’économie, une inquiétude grandissante chez les Français

La France est la deuxième économie de l’UE, mais cela ne signifie pas qu’elle est exempte des coups d’une pandémie et d’une guerre en cours en Europe de l’Est qui ont secoué les marchés mondiaux et affectent directement le portefeuille des citoyens.

Les sondages d’opinion montrent que c’est l’une des principales préoccupations des électeurs. Les sondages indiquent également que de nombreux Français sont mécontents des politiques économiques de Macron, qui au cours des cinq dernières années ont inclus des réductions des dépenses sociales et des réductions des impôts sur les sociétés et des cotisations sociales.


File-A achat sur un marché à Nice, France, le 3 avril 2019.
File-A achat sur un marché à Nice, France, le 3 avril 2019. © Reuters/Eric Gaillard

Les restrictions dues à l’urgence sanitaire ont été levées dans le pays, mais en plus des infections qui se multiplient à nouveau, ses effets financiers se poursuivent.

Le prochain président devra faire face à des déficits publics vertigineux pour faire face à l’impact laissé par la pandémie, à un système de retraite dont beaucoup disent qu’il doit être réformé et à des mesures pour réindustrialiser le pays.

En revanche, le chômage dans le pays a atteint son plus bas niveau depuis des années. Selon les chiffres de l’Insee, le territoire français a terminé 2021 avec un taux de chômage de 7,4 %, au plus bas depuis 2008 ; et le taux d’activité, marqué à 73,5 %, le plus élevé depuis le début des relevés en 1975.

Bien que pour les jeunes, le chiffre soit d’environ 16%, un secteur de la population qui nécessitera des politiques spécifiques pour sortir du problème.

Malgré des marges globalement optimistes sur le front de l’emploi, les citoyens ont vu le coût de la vie monter en flèche en raison de la hausse des prix du carburant et de l’énergie et de la hausse de l’inflation, en grande partie à cause du conflit russo-ukrainien.

Un autre des gros points rouges de la scène économique est le déficit commercial : en 2021, il était de 84,7 milliards d’euros. Les exportations françaises sont passées de 6,3 % en 1990 à moins de 2,5 % aujourd’hui.

Bien que la nation enregistre cette perte depuis deux décennies, elle s’est aggravée ces dernières années, ce qui illustre les problèmes de compétitivité de ses entreprises, qui ont perdu des parts du marché international, notamment au profit de la Chine.

La réindustrialisation est alors une grande question en suspens pour inverser la tendance négative.

réforme des retraites

Comme l’a souligné Macron, les retraites en France ne sont pas viables et le système nécessite une réforme urgente. Relever l’âge de la retraite, avec des exceptions pour ceux qui ont des emplois difficiles ou qui ont travaillé plus longtemps que les autres, est nécessaire pour rendre le système viable et augmenter les pensions basses, dit-il.

« Ceux qui vous disent qu’on peut garder (le système de retraite) tel qu’il est actuellement vous mentent », a souligné le président, interrogé par les critiques sur son projet d’augmenter l’âge de la retraite de 62 ans, actuellement, à 65 ans.


Des pompiers brandissent une banderole alors que des membres de syndicats français manifestent contre les projets de réforme des retraites du gouvernement français à Marseille dans le cadre d'une journée de grève nationale et de manifestations en France, le 5 décembre 2019.
Des pompiers brandissent une banderole alors que des membres de syndicats français manifestent contre les projets de réforme des retraites du gouvernement français à Marseille dans le cadre d’une journée de grève nationale et de manifestations en France, le 5 décembre 2019. Jean-Paul Pélissier / Reuters

Cependant, la leader de l’extrême droite, Marine Le Pen, a déclaré que retarder l’heure de la retraite nuirait aux salariés, car beaucoup ne pourraient pas trouver d’emploi à un âge avancé et, par conséquent, leur retraite serait affectée.

Pour cette raison, il s’est prononcé en faveur du maintien du seuil de 62 ans, voire de son abaissement pour ceux qui ont commencé à travailler avant l’âge de 20 ans.

La guerre en Ukraine, au centre de la politique étrangère française ?

L’attaque à grande échelle lancée par la Russie contre l’Ukraine le 24 février a choqué l’Europe et au-delà. Celui qui remportera la présidence en France devra faire face aux conséquences.

Alors que le conflit se poursuit aux portes du bloc des 27 pays, Paris sous mandat pro-européen et pro-OTAN a montré son influence sur la scène internationale.

Cependant, les perspectives pour le pays, la région et le reste du monde seraient différentes si la présidence revenait à un dirigeant eurosceptique. Macron est le seul favori qui soutient ouvertement l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

Un changement dans cette position porterait un coup à l’alliance politico-militaire construite pour protéger ses membres dans la guerre froide alors naissante il y a 73 ans.

« Macron veut vraiment créer un pilier européen de l’Otan (…) Il s’en est servi pour sa diplomatie itinérante sur le conflit ukrainien », explique Susi Dennison, membre senior du Conseil européen des relations étrangères.


Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, rencontre des soldats sur la base militaire de Tallinn, en Estonie, le 1er mars 2022.
Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, rencontre des soldats sur la base militaire de Tallinn, en Estonie, le 1er mars 2022. © Léon Neal / AFP

Au cours de la campagne, plusieurs candidats ont exprimé leur intérêt pour une diminution de l’engagement envers l’alliance ou un retrait complet. Bien qu’improbable, le départ de la France de l’OTAN, s’il franchissait le pas, créerait un gouffre profond avec ses alliés.

Les États-Unis ont souvent désigné la France comme leur plus vieil allié : des sanctions russes au changement climatique en passant par les résolutions de l’ONU, entre autres, Washington a besoin d’un partenaire fiable à Paris.

La nation est un ami transatlantique vital du gouvernement américain, notamment en raison de son statut de seul pays d’Europe continentale à être membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU avec droit de veto.

Après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, la France est la principale puissance militaire du bloc. C’est aussi sans doute la deuxième économie de l’UE, et le départ d’Angela Merkel en tant que chancelière allemande a donné au chef de l’Elysée un rôle plus important en Europe.

L’éducation, point de mécontentement interne

Au cours de la dernière année, le secteur de l’éducation a été le protagoniste de différentes manifestations anti-gouvernementales, dans lesquelles il a même souligné un « abandon » de l’État.

Les enseignants réclament une augmentation de salaire, arguant que leur domaine sur le territoire français est l’un des moins bien payés, comparé au reste de l’Europe.


Le secteur de l'éducation était l'un des plus mécontents du mandat d'Emmanuel Macron, l'une de ses récentes revendications concernait le changement des protocoles sanitaires.
Le secteur de l’éducation était l’un des plus mécontents du mandat d’Emmanuel Macron, l’une de ses récentes revendications concernait le changement des protocoles sanitaires. © Daniel Cole / France 24

Les personnes concernées rappellent qu’en début de carrière elles peuvent gagner 7% de moins que la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

De même, les enseignants se plaignent du manque de personnel dans les centres éducatifs. Ils réfutent un système qui, selon eux, rend difficile l’arrivée de nouveaux enseignants en raison de processus qui ne sont pas efficaces ou agiles pour leur sélection, c’est pourquoi certains enseignants doivent travailler dans plusieurs établissements.

En ce sens, les éducateurs soulignent également que les classes ont généralement un nombre d’élèves supérieur à celui recommandé. Avec des classes qui comptent plus de 30 et 40 élèves, la situation devient contre-productive et préjudiciable aux processus d’apprentissage, dénoncent-ils.

La polarisation sociale et politique est toujours présente

La France représente les disparités économiques et sociales entre les zones urbaines et rurales, qui influencent les préférences politiques.

Le centre et le nord-est du pays englobent les anciennes zones industrielles du pays et sont devenus un bastion où il y a actuellement une acceptation particulière du discours protectionniste, comme celui du mouvement de droite Groupement national.

Dans l’ouest du pays et dans les grandes villes, comme Paris, le centrisme du parti de Macron La République en Marche se démarque, les jeunes sont majoritairement favorables à une vision européiste.

Ces différences dénotent le panorama dans lequel se trouve le pouvoir législatif français. Le paysage politique ressent encore les ondes de choc des élections de 2017 lorsque Macron a remporté la présidence.

En cas de continuité au sein de l’Exécutif, encore faudra-t-il que le parti centriste La República en Marcha, qui a échoué à toutes les élections locales récentes, et ses alliés remportent les élections législatives de juin pour disposer d’une plate-forme solide qui lui permet de manœuvrer contre l’opposition et de mettre en œuvre sa politique.

Avec Reuters, AP et EFE

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