Le français doit devenir la langue de l’Europe post-Brexit

Le français doit devenir la langue de l’Europe post-Brexit

Le Royaume-Uni parti, il est temps d’opérer une révolution à Bruxelles. Le français doit (re)prendre sa place de langue première de la diplomatie européenne et ce, au motif que la France est encore aujourd’hui l’épicentre de la vie intellectuelle du Vieux Continent, estime le quotidien conservateur transalpin Il Foglio.

Vive la patrie, vive toutes les patries, et vive l’Angleterre bien sûr : pour autant, une question s’impose : maintenant que les Anglais font bande à part, pourquoi la lingua franca de l’Union européenne devrait-elle rester l’anglais ? Cela ne vous semble pas absurde ?

Dans les rues de Bruxelles, après tout, on parle français (et flamand, mais je mets le flamand de côté : qui a jamais lu Gezelle ? Conscience ? Van Beers ? Qui a seulement entendu parler de ces grands noms de la littérature flamande ?)

Après l’“Euro English”, place au “français d’Europe”. Étymologiquement parlant, la logique voudrait d’ailleurs que la lingua franca du Vieux Continent soit le français. Et l’histoire plaide également en sa faveur. Le français était la langue des élites et de la diplomatie du XVIIIe siècle, du XIXe et du début du XXsiècle, avant qu’il ne soit relégué au second plan par la victoire militaire anglo-américaine en 1945. Or, je ne crois pas que Boris Johnson ou Joe Biden aient l’intention de nous rebombarder.

Mais, au-delà de l’histoire, c’est surtout le présent qui plaide en faveur d’un retour du français à la première place des langues de l’Union.

Qui est en effet le plus grand romancier vivant ? Michel Houellebecq. Qui est le plus grand historien de l’art en vie ? Jean Clair. Sont français – ou en tout cas écrivent en français : Edgar Morin, Milan Kundera, Régis Debray, Pascal Bruckner, Bernard-Henri Lévy, Catherine Millet, Alain Finkielkraut, Emmanuel Carrère, Eric Zemmour, Michel Onfray, Amélie Nothomb, Fabrice Hadjadj, mais aussi le cardinal Sarah, qui porte l’espérance catholique.

Si l’on compare cette liste (très incomplète, puisque je n’ai pas cité les auteurs non traduits en Italie) avec une liste analogue d’auteurs italiens, il y aurait de quoi pleurer. Les grands écrivains italiens sont tous morts. Notre littérature semble s’être éteinte voilà vingt ou trente ans. Lorsqu’il se reremémorait sa vie dans les années 1930 à Rome, l’écrivain italien Manlio Cancogni disait : “Tout le monde avait les yeux rivés sur la littérature française, la France était notre pays.”

Nous pourrions affirmer la même chose en ces années 2020 : nous sommes tournés vers la littérature française et nous souhaiterions qu’elle soit bien davantage traduite en italien.

“Le français nous permettrait d’être plus crédibles”

Ensuite, il paraît évident que, d’ici peu – et le plus tôt sera le mieux –, nous verrons arriver sur le marché un traducteur automatique surpuissant, une application polyglotte de génie qui nous permettra de parler sarde et d’être compris en Laponie. Google Traduction s’en tire déjà plutôt bien et, déjà aujourd’hui, je ne vois pas de raisons de s’inscrire dans une fac de langues ou de se fatiguer à prendre des cours particuliers.

Nous vivons les dernières années d’incompréhension et, d’ici peu, nous pourrons lire tous les livres du monde sans avoir besoin de traductions éditoriales (j’ignore si je serai encore de ce monde, mais je caresse ce rêve). En attendant l’arrivée de cet âge d’or, le français d’Europe nous permettrait d’être plus crédibles : comment peut-on se dire en effet européen quand on parle la langue de ceux qui ont refusé l’Europe ? Le choix de cette langue, nous permettrait également d’être plus intelligents en nous rapprochant des esprits les plus brillants du moment.

Camillo Langone

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