Gabriel Matzneff : c’est son procès qu’on attend, pas son livre !

Gabriel Matzneff : c’est son procès qu’on attend, pas son livre !

L’écrivain s’apprête à publier Vanessavirus après une souscription auprès de lecteurs. Sa réponse aux accusations de Vanessa Springora. Il doit comparaître en septembre pour apologie de la pédocriminalité, écrit le quotidien belge.

Beaucoup ont d’abord cru à une blague, tant c’est énorme. Ce n’en est pourtant pas une, mais comme les plus sinistres farces, c’est de très mauvais goût. Un an après la sortie du livre Le Consentement (Grasset) dans lequel Vanessa Springora dénonçait l’emprise sexuelle que lui avait fait subir Gabriel Matzneff quand elle avait quatorze ans, le sulfureux romancier s’apprête à lui répondre à sa manière.

Le 15 février devrait “sortir” Vanessavirus. Enfin, “sortir”… Être déposé dans quelques boîtes aux lettres, plutôt. L’ouvrage, dont aucun de ses anciens éditeurs n’a voulu, ne sera pas en librairie. Le livre a été proposé en souscription par l’écrivain lui-même. Les destinataires de ses courriers ont reçu un coupon de commande doublé d’un appel au don. Cent euros pour commander le livre simple. Six cent cinquante euros pour qu’il soit accompagné d’une dédicace. À vomir.

L’avocat de Matzneff n’a pas démenti cette initiative. Léo Scheer, l’un de ses anciens éditeurs, confirme avoir reçu le courrier qu’il dit n’avoir d’ailleurs pas gardé. L’écrivain, âgé aujourd’hui de 84 ans, présente l’ouvrage comme son “ultime livre”, son “chant du cygne”. Des pages pour glorifier sa “durable et magnifique histoire d’amour” avec Vanessa Springora. L’été dernier, il avait déjà évoqué ce projet en se qualifiant d’écrivain “honni, maudit”, dont “l’écriture demeurait le salut”. Il avait refusé de lire Le Consentement pour ne garder en mémoire que les prétendues “plus belles lettres d’amour” (sic) de son ancienne proie.

Une complaisance révolue

On ignore qui lira ce livre, dont on se moque à l’avance de la quelconque qualité littéraire. La complaisance dont certains artistes ou intellectuels (Gabriel Matzneff, mais aussi le plasticien Claude Lévêque ou le politiste Olivier Duhamel) ont longtemps profité est révolue. Le talent ou le statut social n’occultent en rien les crimes.

Si l’on attend quelque chose de Gabriel Matzneff, ce n’est ni une “œuvre” ni une affreuse dédicace. C’est sa présence au tribunal. En septembre prochain, il devra comparaître en correctionnelle à Paris pour apologie de la pédocriminalité. Il ne s’agira plus alors de faire de belles phrases. L’affaire Vanessa Springora est certes prescrite. Mais une enquête est en cours pour déterminer si d’autres victimes peuvent encore prétendre à la justice. Et quand bien même celle-ci ne déboucherait sur aucune mise en examen, l’écrivain devra malgré tout répondre de ses écrits encourageant à abuser de mineurs.

Ce procès sera une nouvelle occasion de briser le mur du silence alors que de plus en plus de victimes, dans la foulée de la parution du livre de Camille Kouchner (La Familia grande, éditions du Seuil), dénoncent leurs agresseurs. Pour que ce mouvement ne soit plus seulement une vague mais devienne une inarrêtable lame de fond.

Joëlle Meskens

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