Et la vague Obama déferle sur l’édition

Et la vague Obama déferle sur l’édition

La presse américaine a commencé à publier extraits et recensions du premier tome des Mémoires de l’ancien président Barack Obama, dont la parution mondiale est prévue mardi prochain, le 17 novembre (en français aux éditions Fayard). Le livre s’annonce comme un phénomène d’édition.

Il y avait d’abord eu l’annonce du tirage : trois millions d’exemplaires pour le prochain livre de Barack Obama (Une terre promise, à paraître en français aux éditions Fayard le 17 novembre), en ne comptabilisant que le marché américain. Un chiffre tellement important que l’éditeur Crown – succursale du géant Penguin Random House – en a fait imprimer un tiers en Allemagne, les capacités des imprimeurs aux États-Unis ne permettant pas d’absorber un tel volume dans un délai de quelques semaines.

Peu après le prestigieux hebdomadaire The New Yorker dévoilait un extrait de cet ouvrage présenté comme le premier de deux tomes dans lesquels Barack Obama racontera ses années à la Maison-Blanche. Puis, c’est le 44e président des États-Unis lui-même qui a commencé à distiller sur son compte Instagram des anecdotes relatées dans le livre.

Point d’orgue de ce plan de communication parfaitement huilé, le mensuel The Atlantic a publié hier 12 novembre un nouvel extrait, à quelques jours de sa parution mondiale. Et les recensions ont commencé à paraître dans la presse américaine.

Des failles et des silences

Parmi elles, celle très remarquée de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, publiée par The New York Times : une longue analyse, précise et fouillée, de l’ouvrage signé par “un homme qui nous impressionne par sa droiture et nous offre un exposé honnête de son parcours”. Mais un homme dont Adichie n’hésite pas à interroger les failles et les silences : car “malgré l’introspection impitoyable [d’Obama], il manque à cet opus l’ingrédient des meilleurs livres de Mémoires : une authentique révélation personnelle. Il conserve pour l’essentiel une élégante distance”, souligne Adichie.

Plusieurs médias, notamment en France, ont relevé par l’intermédiaire de l’AFP le passage dans lequel Adichie évoque les “croquis biographiques” qui parsèment l’ouvrage. De petits portraits “dont la virtuosité tient à leur concision, leur justesse et leur humour”. Nicolas Sarkozy y est décrit selon la romancière comme un personnage “audacieux et opportuniste” qui (écrit Obama) “bombe le torse tel un petit coq”.

De façon beaucoup moins anecdotique, Adichie fouille à travers ce livre le rapport de Barack Obama aux femmes : en quoi les personnalités de sa mère et de sa grand-mère pourraient expliquer qu’il soit “si sincèrement sensible à la misogynie​” ; mais aussi la raison pour laquelle Barack Obama explique avoir renoncé à faire d’Hillary Clinton sa colistière lors de l’élection présidentielle de 2008 : telle que la résume Adichie, Clinton eût-elle été vice-présidente, il aurait été problématique de voir “un ancien président​ [en la personne de Bill Clinton] arpenter, désœuvré, les couloirs de l’aile ouest​ [de la Maison-Blanche]”. Autrement dit :

Si elle ne décroche pas le poste, c’est à cause de son mari.”

La question du racisme

Notable également, l’analyse que fait Chimamanda Ngozi Adichie du positionnement de Barack Obama face au racisme, qu’il dénonce trop timidement pour cette auteure. D’après elle :

Peut-être en raison de ses origines et de son parcours hors du commun [Barack Obama est né d’une mère américaine et d’un père kényan], il se présente comme l’enfant du milieu, celui qui cherche la conciliation, préférant taire les vérités explosives et multiplier les précautions [à propos du racisme aux États-Unis].”

À lire Adichie, Une terre promise offre un éclairage subtil et passionnant sur la personnalité d’un homme d’État majeur. Mais les amateurs de scoops risquent d’en être pour leurs frais, souligne un autre critique sur le site The Daily Beast :

En refermant le livre, vous n’en saurez pas beaucoup plus […] sur les trois premières années de sa présidence que 700 pages plus tôt. C’est un récit qui repose sur la maîtrise du discours et c’est un modèle du genre, venant d’un homme qui a remporté la présidence en grande partie car cette maîtrise était son point fort.”

Delphine Veaudor

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