“En thérapie”, la série d’Arte qui émeut les journalistes étrangers

“En thérapie”, la série d’Arte qui émeut les journalistes étrangers

Dans les pays où elle est accessible, la nouvelle série d’Arte suscite beaucoup d’intérêt. Le choix fait par Éric Toledano et Olivier Na­kache de nous transporter dans le cabinet d’un psychothérapeute parisien, au lendemain des attentats de novembre 2015, séduit. Découvrez l’avis des journalistes étrangers.

“La France sur le divan” : l’idée séduit visiblement les critiques étrangers. Le quotidien La Libre Belgique et les journaux suisses Le Temps et Neue Zürcher Zeitung reprennent la formule pour titrer les articles qu’ils consacrent à En thérapie, la nouvelle série à succès d’Arte. Il s’agit de la déclinaison française d’une célèbre série israélienne, BeTipul, déjà adaptée depuis sa création en 2005 dans une vingtaine de pays (et notamment aux États-Unis, sur HBO, sous le titre In Treatment). Le principe : le téléspectateur s’installe dans le cabinet d’un psychanalyste et suit les séances de quatre patients différents, ainsi que celles qui réunissent le psychanalyste et son propre thérapeute.

“Un coup de maître”

“Le concept est aussi simple que brillant”, commente le quotidien belge Le Soir. Mais ce qui donne un intérêt particulier à l’adaptation française, c’est la décision prise par les réalisateurs, Olivier Nakache et Éric Toledano (Intouchables, Le Sens de la fête), et leurs coscénaristes de situer l’action “au lendemain des attentats de novembre 2015 à Paris”, précise le journal : “Les patients explorent leurs traumatismes liés de près ou de loin aux événements. Défilent ainsi sur le divan une chirurgienne qui a été appelée à soigner des blessés, un flic actif de la BRI intervenu au Bataclan, un couple au bord de la crise de nerfs, mais aussi une championne de natation aux tendances suicidaires, et la thérapeute du docteur Dayan.”

Les journalistes qui ont regardé En thérapie ont été globalement séduits. La Libre Belgique salue “un coup de maître”, quand Le Temps applaudit “un casting de choix” (Carole Bouquet, Mélanie Thierry, Clémence Poésy, Pio Marmaï, Reda Kateb et Frédéric Pierrot dans le rôle du Dr Dayan), “une mise en scène élégante et dépouillée, aux champs-contrechamps ciselés”, et annonce “une expérience intense et cathartique”.

Des maux et beaucoup de mots

Certes, le pari n’était pas gagné d’avance. Comme le souligne la Neue Zürcher Zeitung, le format, quinze ans après sa création, peut sembler légèrement “anachronique” : il date d’une époque où l’âge d’or des séries télévisées débutait à peine, et où une intrigue basée sur “la répétition et les variations” pouvait surprendre. “Les dialogues frôlent parfois le cours de psychologie, ajoute le quotidien suisse germanophone. Les noms de Freud et Lacan sont très présents, et la question du transfert est évoquée régulièrement.

Pour la Neue Zürcher Zeitung, la finesse et la précision du scénario suffisent toutefois à emporter la mise : “La série réussit l’exploit de fidéliser le spectateur en jouant uniquement sur les mots et la façon de les formuler.” Un avis que ne partage pas le quotidien allemand Die Tageszeitung : “Chez chacun des personnages, le scénario ne laisse que peu de place à l’ambivalence, ouvrant ainsi la porte aux clichés sur la psychothérapie”, regrette le journal berlinois :

Comme souvent chez Éric Toledano et Olivier Na­kache, les nobles intentions cachent un contenu trop peu nuancé pour véritablement convaincre le spectateur. Malgré quelques épisodes réussis, on retrouve sur le divan davantage de clichés malvenus que de manifestations d’un traumatisme collectif.”

La France mise à nu

Mais c’est la seule note totalement discordante dans le concert de louanges que recueille la série d’Arte. En thérapie “offre de puissantes mises à nu, à la fois intimes et révélatrices de la France et son époque”, souligne pour sa part Le Temps. “La colère accumulée par les personnages, leurs épanchements ambigus et les déchirures qui transparaissent dans la perception qu’ils ont d’eux-mêmes reflètent bien la tension présente à Paris fin 2015, acquiesce la Neue Zürcher Zeitung. Même après une année de pandémie et deux hivers qui avaient été successivement marqués par les manifestations des ‘gilets jaunes’ et des grèves massives, le spectateur peut encore se reconnaître dans la tension nerveuse des personnages.

Olivier Nakache et Éric Toledano parviennent à approcher au plus près le traumatisme des attentats du Bataclan. Ils approchent même “si près que cela fait mal”, prévient la Frankfurter Allgemeine Zeitung, un autre quotidien allemand. “On regarde par-dessus l’épaule d’une patiente, on accompagne une larme qui coule jusqu’à un menton, on entend des souffles saccadés et paniqués, le bruissement de deux mains triturées nerveusement. Et la voix du thérapeute, parfaitement maîtrisée, qui vient rompre le silence.” Le journal de Francfort, s’il émet quelques réserves sur le tableau social qu’est censée brosser la série, est emporté par l’émotion qui affleure au fil des épisodes :

Seuls le talent de Nakache et Toledano, maîtres de la comédie dramatique, et le comique que créent malgré eux le docteur Dayan, de plus en plus dépassé, et ses patients, imprévisibles, permettent de supporter autant de peine, de folie et de lutte contre soi-même.”

La série En thérapie est disponible sur Arte.tv depuis le 28 janvier. Et Arte a commencé à la diffuser sur sa chaîne le 4 février.

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