Après qu’Emmanuel Macron se soit officiellement présenté comme candidat à sa réélection, France 24 fait le bilan de son quinquennat dans une série en quatre épisodes. Après la politique étrangère, nous passons à l’économie ; un domaine dans lequel le président a tenu ses promesses de réforme, mais avec des résultats mitigés.

Selon les partisans d’Emmanuel Macron, c’est le point fort du bilan présidentiel. Attractivité, compétitivité, croissance, chômage, pouvoir d’achat : tout va très bien, soulignait Emmanuel Macron jeudi 3 mars, dans sa lettre aux Français, officialisant sa candidature à la réélection.

Cette complaisance est-elle conforme à la réalité ? Comme c’est souvent le cas en économie, tout dépend du point de vue dont on se place. Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir avec un seul objectif : « le travail libre et l’entrepreneuriat », a-t-il affirmé dans son programme 2017, pour favoriser le retour de la croissance, la réduction du chômage et l’augmentation du pouvoir d’achat des Français.

Pour y parvenir, l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande a voulu réformer en profondeur l’économie française, à la fois pour opérer des changements concrets au niveau national et pour transformer la perception que les investisseurs étrangers avaient du pays.

S’agissant des entreprises, Emmanuel Macron a réduit l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 %, allégé considérablement le coût du travail en transformant les 20 milliards d’aides annuelles du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en CDI. réduction des cotisations de sécurité sociale, et amendé le Code du travail pour permettre aux employeurs de procéder plus facilement à des licenciements.

Au niveau individuel, a supprimé l’impôt sur la fortune (ISF) et créé l’impôt forfaitaire unique (PFU) sur les plus-values ​​pour favoriser – selon la théorie du ruissellement – ​​les investissements dans les entreprises et dans l’économie réelle.

Cinq ans après son arrivée à l’Elysée, les chiffres bruts sont plutôt flatteurs et, selon le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, « l’économie française se porte très bien ».

Tout d’abord, la croissance a atteint 7 % en 2021, selon une première estimation de l’INSEE, publiée fin janvier. Cela s’explique par le rebond consécutif à la récession historique de 2020 (-8%) liée à la crise du Covid-19, mais la hausse du produit intérieur brut (PIB) français a été l’une des plus fortes de la zone euro.

Le taux de chômage est tombé à 7,4 % au quatrième trimestre 2021, un niveau qu’il n’avait plus atteint depuis 2008. De plus, l’image de la France à l’étranger et son attractivité se sont considérablement améliorées. Le parti La République en marche soutient que la France est devenue le pays le plus attractif d’Europe durant le quinquennat, avec 985 projets d’investissements étrangers en 2020, contre 975 au Royaume-Uni et 930 en Allemagne, selon le baromètre annuel d’attractivité établi par le cabinet EY.

Des emplois plus précaires et de moindre qualité

Mais ces bons résultats ne disent pas tout, notamment en termes d’attractivité et de compétitivité de la France à l’international. La balance commerciale de la France reste une préoccupation majeure : le déficit du commerce extérieur (différence entre ce que la France importe et ce qu’elle exporte) a augmenté de 7,3 milliards d’euros en 2020, selon l’INSEE, pour atteindre 65,2 milliards d’euros.

D’autre part, le taux de chômage a d’abord diminué grâce à l’augmentation de la précarité des salariés. Pour stimuler les embauches, le gouvernement a tenté d’assurer aux entreprises qu’elles pouvaient licencier leurs salariés en cas de difficultés, selon la réforme du Code du travail votée en 2017. Ainsi, l’offre d’emplois précaires (contrats à durée déterminée , travail temporaire, etc.). Selon les données de l’INSEE, la France comptait en 2020 3,3 millions de personnes ayant ce statut, soit 12,4 % de l’ensemble des emplois. Mais le plus important est quea réforme du code du travail a permis d’établir un barème d’indemnisation des prud’hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les employeurs peuvent alors procéder à des licenciements sans motif valable au regard de la loi, sachant à l’avance combien cela leur coûtera.

Outre la précarité des travailleurs, le quinquennat a été marqué par une baisse de la qualité des emplois occupés. Le journal numérique d’investigation français Médiapart a révélé que le nombre moyen d’heures travaillées est passé de 32 à 30,9 heures par semaine entre le deuxième trimestre 2017 et le troisième trimestre 2021.

Cette baisse est en partie liée à la crise du Covid-19, mais elle indique aussi un changement dans les travaux effectués. Bon nombre des postes vacants créés sont des emplois de services aux entreprises à faible valeur ajoutée. En janvier, le gouvernement se félicitait de la création de près d’un million d’entreprises en France en 2021, « un record tout simplement historique », selon Bruno Le Maire, mais 641.543 d’entre elles étaient ce qu’on appelle des micro-entreprises (anciennement appelées auto-entrepreneurs). entreprises), petites entreprises individuelles créées par et pour un entrepreneur unique.


Des dizaines de personnes portant des masques faciaux marchent le long de la rue Mouffetard, à Paris, en France, au milieu de la propagation de la pandémie de Covid-19, le 30 décembre 2021.
Des dizaines de personnes portant des masques faciaux marchent le long de la rue Mouffetard, à Paris, en France, au milieu de la propagation de la pandémie de Covid-19, le 30 décembre 2021. © Reuters/Christian Hartmann

Enfin, en 2020, la France comptait 1,9 million de personnes qui ne recherchaient plus activement un emploi, elles n’étaient donc plus comptabilisées dans les chiffres du chômage. Comme l’a noté l’économiste Maxime Combes sur Twitter, le taux de chômage de 7,4% est également le résultat de la baisse du nombre de demandeurs d’emploi, un nombre qui a augmenté rapidement après la pause de 2020.

Aussi, la réforme de l’assurance chômage, pleinement mise en œuvre à partir de l’automne 2021, pourrait réduire le nombre de demandeurs d’emploi qui s’inscrivent à Pôle emploi – l’Agence française d’assurance chômage – en raison de conditions d’accès aux allocations plus restrictives, selon des spécialistes.

Pas d’impact sur l’investissement productif

Au niveau fiscal, bien que les aides financières accordées aux entreprises et autres allègements n’aient pas été évalués récemment, il a été vérifié que la baisse d’impôts pour les plus riches n’a pas eu d’impact sur l’investissement des entreprises.

« L’observation des grandes variables économiques – croissance, investissement, flux d’investissements financiers des ménages, etc. –, avant et après les réformes, ne suffit pas pour tirer des conclusions sur l’effet réel de ces réformes. En particulier, il ne sera pas possible d’estimer, par ce seul moyen, si la suppression de l’ISF a permis de rediriger l’épargne des contribuables correspondants vers le financement des entreprises », a déclaré France Stratégie, agence dépendante de la Prime Cabinet du ministre., dans le troisième rapport d’évaluation de la réforme de la fiscalité du capital, publié en octobre 2021.

D’autre part, le même rapport note que les réformes d’Emmanuel Macron ont entraîné une augmentation de 64 % des versements de dividendes en 2018.

Donc, les Français les plus riches n’ont pas choisi d’investir dans l’économie réelle, alors que leur pouvoir d’achat a augmenté ces cinq dernières années. En ce sens, ils sont les grands gagnants du quinquennat de Macron. Selon une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP), publiée en novembre 2021, les 1 % de Français les plus riches ont réalisé un bénéfice moyen de 2,8 % sur leur revenu total après impôts et allocations. L’augmentation totale est encore plus impressionnante pour les 0,1 % les plus riches, dont le pouvoir d’achat a augmenté d’environ 4 %.

Au lieu de cela, le flux s’est répercuté sur le reste de la population, dont une partie est descendue dans la rue à travers le pays pour exprimer son mécontentement pendant la crise des « gilets jaunes ». Selon l’étude PPI, l’augmentation moyenne du niveau de vie de l’ensemble des Français entre 2017 et 2022 a été d’environ 1,6 %. De leur côté, les 5 % de ménages les plus pauvres ont été les grands perdants : leur pouvoir d’achat a connu une baisse moyenne de 0,5 % pendant le mandat d’Emmanuel Macron.

Cet article a été adapté de son original français

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