En Colombie, Martín Murillo Gómez, le passeur de livres

En Colombie, Martín Murillo Gómez, le passeur de livres

Ce marchand ambulant reconverti en bibliothécaire nomade arpente le pays pour faire partager sa passion de la littérature. Il invite les plus jeunes à découvrir son plaisir des livres, découvert aux détours d’un parcours mouvementé.

Que faire durant les longues heures d’ennui qui sont le lot des vendeurs ambulants de boissons fraîches ? Pour Martín Murillo Gómez, la lecture était la seule solution. Après une enfance passée sur Aruba, une île néerlandaise des Caraïbes, il avait décidé de s’installer à Carthagène des Indes. Il avait ainsi débarqué dans la Colombie des années 1990, plongée dans un cycle de violence, et “il vivait à l’hôtel La Muralla, dans la rue Media-Luna, qui à l’époque était un haut lieu de la prostitution et du trafic de drogue”, relate El Espectador. Pour joindre les deux bouts, payer le prix de sa chambre et espérer réaliser un jour son rêve de devenir commentateur sportif, il parcourait les rues avec une glacière remplie de sodas et de bières, poursuit le quotidien colombien :

Peu importe si les ventes étaient bonnes ou mauvaises : sa priorité était la lecture, la seule façon d’enrichir son vocabulaire pour devenir commentateur de basket pour la NBA [la ligue nationale des États-Unis]. C’était aussi son unique divertissement : à l’hôtel, les autres jouaient des coudes pour voir les telenovelas qui passaient sur le poste installé dans l’entrée.”

Vocation

Au bout de quelques années, il découvre que l’un de ses clients réguliers – avec lequel il discute à propos de l’écrivain portugais José Saramago et qui lui offre des ouvrages – n’est autre que Jaime Abello Banfi. Ce dernier est directeur de la Fondation Gabo, créée par le défunt romancier colombien Gabriel García Márquez pour la promotion du journalisme latino-américain. Et il se dit impressionné par sa rencontre avec Martín Murillo Gómez : “Il est l’autodidacte par excellence, non seulement comme défenseur de la lecture, mais aussi comme relais culturel et porte-voix. C’est un exemple à suivre.

En 2005, “Martín décide que sa dernière initiative serait la bonne et qu’elle n’aurait rien à voir avec la vente à la sauvette d’eau ou de bière”. Il présente à la Fondation Gabo un projet qui deviendra “La Carreta Literaria” : il emportera ses livres partout avec lui puis “lira dans la rue et les écoles, et louera l’importance de la lecture et son influence tout au long de sa vie”. Il est intégré à l’institution ; quelque temps plus tard, il troque sa glacière pour cette “carriole littéraire”. Et, depuis treize ans, il écume les rues de la ville portuaire, avec des voyages dans le reste du pays, mais aussi du continent, comme au Panama, à Curação ou sur son île natale d’Aruba.

Poursuivre malgré les circonstances

Ce fin connaisseur d’Ernest Hemingway et de Mario Vargas Llosa poursuit infatigablement la mission qu’il s’est choisie. Et ce n’est pas une crise sanitaire qui l’empêchera de faire partager sa passion. Il tient notamment une chaîne YouTube sur laquelle il réalise des présentations de livres, à distance. On peut aussi le voir faire des lectures en plein air, avec pour différence qu’il porte désormais un masque, écrit le quotidien :

Martín […], celui qui pousse la carriole, a 52 ans et ne se laisse pas impressionner par la pandémie. Il adore la NBA, car ses joueurs, comme LeBron James, sont pour lui une source d’inspiration : ils ont [selon ses mots] ‘lutté avec l’adversité et non contre l’adversité’. Exactement comme lui.”

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