“Demon Slayer : le train de l’infini”, les raisons du succès sidérant du film au Japon

“Demon Slayer : le train de l’infini”, les raisons du succès sidérant du film au Japon

Adaptation du très populaire manga Demon Slayer, le film bat tous les records au box-office japonais. Une très bonne nouvelle pour les professionnels du cinéma dans l’archipel, confrontés comme ailleurs à la crise sanitaire.

Dans cette annus horribilis, c’est une excellente surprise pour le secteur du cinéma au Japon. Le film d’animation Demon Slayer : le train de l’infini, adapté du très populaire manga Demon Slayer (traduit en français chez Panini Manga), avait déjà rapporté plus de 10 milliards de yens de recettes (80 millions d’euros) dans les dix jours qui ont suivi sa sortie, le 16 octobre. Huit millions de Japonais, soit 6 % de la population de l’archipel, étaient allés le voir sur cette période, rapporte le quotidien économique Nikkei.

Du jamais-vu dans l’histoire du cinéma japonais

L’exploit est exceptionnel à plus d’un titre : le week-end des 16, 17 et 18 octobre, le film réalisé par Haruo Sotozaki a engrangé 43,8 millions de yens de recettes (37 millions d’euros). “Ça a été le meilleur lancement parmi tous les films qui sont sortis ce week-end-là dans le monde, et ce, alors qu’il n’était projeté qu’au Japon”, s’étonne The New York Times. Qui plus est, dans l’histoire du cinéma japonais, aucune autre œuvre, même Le Voyage de Chihiro, de Hayao Miyazaki, n’avait atteint aussi vite le seuil des 10 milliards de yens de recettes. Certains fans, comme le rapporte Oricon News, s’attendent à ce que Demon Slayer : le train de l’infini dépasse le record historique de 30,8 milliards de yens (250 millions d’euros) atteint en 2001 par le célèbre long-métrage du studio Ghibli.

Le succès flamboyant du film doit beaucoup à l’immense popularité du manga Demon Slayer (Kimetsu no yaiba, en version originale). Lancée en 2016, la saga de Koyoharu Gotouge s’était déjà écoulée à 10 millions d’exemplaires à la fin septembre, alors que le dernier épisode était sorti à peine cinq mois auparavant. La popularité du manga a explosé surtout après la diffusion à partir de 2019 de la série d’animation qui en est adaptée. Prenant le Japon de l’ère Taisho (1912-1926) comme décor, le manga suit les aventures du personnage principal, Tanjiro, dont la famille a été massacrée par des onis (“démons”, en japonais), qui ont transformé sa sœur Nezuko en démon.

Dans l’archipel, Demon Slayer est ainsi peu à peu devenu un véritable phénomène social, s’accompagnant d’un déluge de produits dérivés. Selon le journal Yomiuri Shimbun, le fabricant de boissons DyDo Drinco a commercialisé des canettes de café avec un dessin du manga dessus. Plus de 50 millions d’unités ont été vendues en l’espace de trois semaines, depuis leur mise sur le marché le 5 octobre.

“Ce film nous sauve !”

À l’heure où le Japon enregistre toujours entre 300 et 700 nouveaux cas de Covid-19 chaque jour, le succès offre une grosse bouffée d’oxygène à un secteur qui fait face à une crise sans précédent. Après avoir été fermées ce printemps en raison de l’état d’urgence imposé au pays, les salles de cinéma ont certes pu rouvrir en mai, et la restriction du nombre de spectateurs, qui était fixée à 50 %, a été levée en septembre. Les dégâts économiques n’en restent pas moins importants : les bénéfices des deux plus grandes maisons de production japonaises, Toho et Shochiku, ont plongé de 48 % et 60 % entre janvier et août par rapport à la même période en 2019, selon la chaîne publique NHK.

“Ce film nous sauve !” s’exclame Hiroshi Moriai, patron d’une salle de cinéma dans la région de Yamagata, dans le nord-est du Japon, cité par le journal régional Yamagata Shimbun. “Ce qui me fait plaisir plus que tout, c’est que je vois les gens qui ont quitté notre cinéma revenir vers nous. Pour que ce succès perdure, nous continuerons de mettre en place des mesures sanitaires”, continue-t-il.

Ironie de l’histoire, en raison de la crise, les sorties de blockbusters hollywoodiens ont été reportées, ce qui a contribué au succès de Demon Slayer : le train de l’infini. “Actuellement, nous n’avons quasiment plus de nouveaux films américains en salle. […] Certains cinémas ont même été obligés de remettre à l’affiche des classiques comme Retour vers le futur. C’est grâce à cela que Demon Slayer a pu être programmé dans un nombre incroyable de salles [plus de 400 au niveau national]”, explique le journaliste Hideaki Hirano dans un article de Business Insider.

Yuta Yagishita

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