Et si on faisait une petite plongée sous glace ? En l’absence de télésièges dans les stations de ski en raison du Covid, les Français se tournent vers de multiples alternatives au ski alpin, rapporte The Economist. Mais malgré tout, l’économie de la montagne subit un vrai coup dur.
Le cliquetis des remontées mécaniques et le rythme des basses dans les bars d’altitude constituent la bande-son des stations de ski alpin en hiver. Le calme qui règne sur les sommets cette année n’en paraît que plus étrange. D’autres choses et d’autres sons apportent néanmoins de la vie dans les stations de ski françaises : les enfants qui font de la luge, les chiens qui tirent des traîneaux, les mordus qui refusent de renoncer aux plaisirs de la glisse et remontent les pistes en mettant des peaux de phoque sous leurs skis.
À la fin 2020, lorsque le gouvernement français a décidé d’intensifier la lutte contre le Covid-19, il a fait fermer toutes les remontées mécaniques mais il a gardé les stations ouvertes. Les Français peuvent donc toujours aller skier, mais sans télésièges.
Certaines solutions mises en place ressemblent à une punition. On peut se mettre au ski de randonnée et utiliser des fixations spéciales pour monter les pentes enneigées comme si on était à pied. La station de Saint-Martin-de-Belleville, qui fait partie du domaine skiable des Trois-Vallées, au nord-est de Grenoble, a ouvert quelques pistes pour ceux qui ont suffisamment d’endurance pour aller jusqu’en haut.
Diversifier les activités
Mais les skieurs sont devenus une minorité. Il n’y a plus aucune place pour les balades en traîneau à chiens et plus de raquettes à neige nulle part. “Tout ce que nous avons a été réservé et loué”, explique le propriétaire d’un magasin de location de skis à Saint-Martin. Les plus courageux peuvent même faire de la plongée sous glace dans un lac à 2 000 mètres d’altitude.
Les Français skient presque autant de jours par an que les Américains, qui sont cinq fois plus nombreux. Comme les remontées mécaniques ont peu de chances de rouvrir cette saison et que la plupart des domaines skiables voisins sont aussi fermés, les 325 stations françaises ont dû diversifier leurs activités. Cela pourrait les aider à attirer davantage de non-skieurs à l’avenir, mais, en attendant, tous ceux qui, d’habitude, font les lits, servent les boissons, entretiennent les remontées mécaniques ou donnent des cours dans les écoles de ski des Alpes sont au chômage technique ou sans emploi parce que les touristes sont coincés chez eux.
L’effet domino atteint les vallées
Selon l’office de tourisme de Saint-Martin-de-Belleville, le taux d’occupation du village est de 30 % seulement, soit moins de la moitié du taux habituel en février. Et selon l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM), dans les stations de haute altitude, spécialement construites pour les skieurs et souvent dénuées de tout charme, il est tombé à 25 %.
Le gouvernement français a présenté un “Plan montagne” de 4 milliards d’euros pour soutenir les entreprises et les salariés du secteur. Mais la pression se fait sentir. Certains petits commerces et entreprises réalisent jusqu’à 40 % de leur chiffre d’affaires annuel en février. Alors que dans une année normale le secteur génère dix milliards d’euros de recettes, ce montant pourrait tomber à la moitié cette année. Les maires des villages qui dépendent de leur part des recettes issues des remontées mécaniques et des parkings craignent que leur budget ne soit sérieusement écorné. “La montagne est un écosystème, déclare le directeur général de l’ANMSM, Joël Retailleau. Il est facile d’appuyer sur un bouton et de fermer les remontées mécaniques, mais cela entraîne un effet domino considérable, non seulement dans les stations mais aussi dans les vallées. Des centaines de milliers de personnes sont touchées.”
La facture aux prochaines régionales
La colère de la montagne contre la décision du gouvernement pourrait bien se faire sentir dans les prochaines élections régionales en juin. Le républicain Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, faisait déjà figure de favori avant la fermeture des remontées mécaniques. Le Rassemblement national de Marine Le Pen était en deuxième position sans même avoir choisi de candidat. Il est peu probable que le gouvernement autorise la réouverture des remontées avant la fin de la saison, et il pourrait même prendre des mesures encore plus strictes si le taux de contamination repart à la hausse. L’Italie voisine, qui avait prévu de rouvrir ses stations de ski le 15 février, a changé d’avis.
Les remontées mécaniques ont transformé les vallées pauvres des montagnes françaises en terrain de jeu pour les riches d’Europe, mais elles ont aussi engendré des inégalités criantes. Les habitants de ces lieux se retrouvent aujourd’hui dans une situation où les touristes leur manquent, même si la montagne est divinement calme sans eux.