Au Brésil, les propos d’Emmanuel Macron sur le soja ne passent pas

Le président brésilien, Jair Bolsonaro, a fustigé les “idioties” de son homologue français, Emmanuel Macron, pour qui le fait que l’Europe dépende du soja brésilien revient à avaliser la déforestation de l’Amazonie. Folha de São Paulo dénonce une “myopie à la française”.

Dans sa traditionnelle allocution hebdomadaire, diffusée jeudi en direct sur les réseaux sociaux, le président brésilien, Jair Bolsonaro, s’en est vivement pris à son homologue français, qui, deux jours auparavant, lors d’un déplacement dans une ferme agroécologique, avait défendu la production de soja européen, avant d’affirmer sur Twitter : “Continuer à dépendre du soja brésilien, ce serait cautionner la déforestation de l’Amazonie.”

“Pour l’amour de Dieu, Macron, n’achetez pas de soja brésilien, comme cela vous ne participez pas à la déforestation de l’Amazonie, achetez du soja français”, a ironisé le dirigeant du Brésil, un pays aujourd’hui premier producteur et exportateur mondial de l’oléagineux.

Vous dites des idioties, Macron, vous ne connaissez même pas votre pays et vous n’arrêtez pas de donner votre opinion sur le Brésil”, a continué Jair Bolsonaro.

La veille, le vice-président brésilien, Hamilton Mourão, s’en était pris aussi au chef de l’État français, affirmant que celui-ci ne “connaît rien à la production de soja au Brésil” et signalant que “la production agricole en Amazonie est infime”.

Macron a relayé les intérêts protectionnistes des agriculteurs français, rien de plus, ça fait partie du jeu politique”, a-t-il ajouté.

Opportunisme

Pour Folha de São Paulo, “n’importe quelle personne avec des connaissances sur les denrées comprend que le président [Emmanuel Macron] parlait à son public interne”.

Dans son édito titré Myopie à la française”, le quotidien de la capitale économique brésilienne affirme que le dirigeant français fait preuve d’opportunisme et cherche à “restaurer son image” auprès de ses compatriotes. Le journal répond ensuite aux propos d’Emmanuel Macron en avançant deux arguments : selon lui, les agriculteurs français ne pourront pas planter suffisamment de soja pour rendre le pays autosuffisant en oléagineux et ne seront pas compétitifs sur les prix.

Par ailleurs, relier tout le soja brésilien exporté à la déforestation de l’Amazonie “ne tient pas”, même si “le lien entre cette culture et la perte de végétation naturelle mérite un examen plus prudent”.

Le soja, surtout issu de la savane du Cerrado

En effet, dans le cadre d’un moratoire signé par des ONG, des entreprises et les autorités brésiliennes, et entré en vigueur en 2006, les grands négociants se sont engagés à ne plus acheter de soja provenant de zones de l’Amazonie déboisées après 2008.

Malgré ce moratoire, 500 000 tonnes de soja brésilien exportées vers l’Union européenne pourraient effectivement avoir été “contaminées par la déforestation illégale en Amazonie”, selon une récente étude internationale, soit moins de 4 % des exportations de l’oléagineux vers le bloc européen, fait remarquer le quotidien.

Pour Folha, “l’attention de Macron et du public”, qui “se concentre sur la forêt amazonienne en raison de sa biodiversité et de l’accélération de la déforestation sous le gouvernement Bolsonaro”, devrait se diriger vers le Cerrado, une région de savane qui s’étend sur près d’un tiers du territoire brésilien, victime “d’une plus grande pression”. Plusieurs monocultures, dont celle de soja, ont en effet migré vers cet écosystème, le deuxième du pays après l’Amazonie, d’où provient désormais près de 60 % de l’oléagineux brésilien. Moins bien protégée par le code forestier brésilien, la savane a déjà perdu près de la moitié de sa végétation d’origine.

Or, avertit le journal, face à cette “avancée désordonnée de la frontière agricole, l’accusation lancée aujourd’hui sans connaissance de cause par Emmanuel Macron [pourrait] bien devenir réalité”.

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