“Affaire du siècle” : une décision de justice “embarrassante” pour Macron

“Affaire du siècle” : une décision de justice “embarrassante” pour Macron

L’État français a été condamné mercredi 3 février pour “carences fautives” dans la lutte pour le climat.

 

La date “restera dans les annales pour les associations de défense de l’environnement, françaises et internationales”souligne Le Temps : mercredi 3 février, le tribunal administratif de Paris a jugé l’État français “responsable” de manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique, et l’a condamné à verser un euro symbolique, au titre de préjudice moral, à quatre associations plaignantes.

Le tribunal a estimé que l’État avait commis une “faute” en ne réduisant pas assez les émissions de gaz à effet serre. Un “succès en forme de tremplin” pour les quatre ONG, groupées sous la bannière “l’Affaire du siècle” (Notre Affaire à tous, Greenpeace France, Fondation Nicolas Hulot et Oxfam France), qui l’avaient saisi en mars 2019, estime le quotidien suisse. En France, “la justice devient l’arme du climat”, en conclut le journal.

“On a gagné !”, se sont réjouies mercredi ces ONG dans une vidéo regroupant une foule de célébrités, dont les actrices Juliette Binoche et Marion Cotillard. 

Le tribunal administratif reconnaît aussi un préjudice écologique, mais la demande de réparation sur ce point a été rejetée. Il se donne par ailleurs un délai supplémentaire de deux mois pour étudier l’autre demande des associations de défense de l’environnement : obliger l’État à prendre des mesures pour respecter ses engagements.

“Embarrassant” pour Emmanuel Macron

Pour The Telegraph, la décision, “accablante”, est “embarrassante pour le président Emmanuel Macron, car elle laisse entendre que son gouvernement ne tient pas sa promesse de ‘rendre à la planète sa grandeur’ [une référence au “Make our planet great again” qu’il avait lancé en juin 2017, détournant le slogan “Make America great again” de son homologue américain d’alors, Donald Trump, après l’annonce du retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat].”

La France s’est engagée à réduire ses émissions de 40 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Or les émissions de gaz à effet de serre en France ont diminué de 0,9 % en 2019, alors que la baisse annuelle pour atteindre ses objectifs climatiques aurait dû être de 1,5 % et de 3,2 % à partir de 2025, note le journal britannique.

Le chef de l’État est toutefois loin d’être le seul dirigeant à ne pas en faire assez, relève The Telegraph. “Selon les experts, les gouvernements du monde entier sont loin de tenir leurs promesses en matière de climat”. Aussi, “la colère monte parmi les jeunes générations face à l’inaction, symbolisée par les campagnes de l’adolescente suédoise Greta Thunberg”, et “cela a donné lieu à une série de procès sur le climat”.

Après avoir pris connaissance de la décision mercredi, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a reconnu “​des manquements depuis plusieurs décennies”. Puis il a affirmé que depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017, la France menait “une action qui est probablement la plus ambitieuse” des récents gouvernements en matière de lutte contre le changement climatique. 

Un jugement qui pourrait “servir de précédent” ailleurs

Le jugement français, analyse El País, pourrait “servir de précédent” pour des affaires similaires dans d’autres pays, dont l’Espagne. Des centaines d’autres actions en justices ont été lancées dans le monde entier pour obliger les gouvernements et les grandes entreprises à prendre des mesures importantes contre le changement climatique. “Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et le Sabin Center for Climate Change Law de l’Université de Columbia avaient listé 1 550 cas de ce type en 2020”, note le journal espagnol. Les États-Unis, “qui ont une longue tradition de litiges environnementaux”, représentent “80 % des affaires dans le monde”, mais l’année dernière, “l’Union européenne a enregistré 55 procès ouverts sur le climat”

Si les actions en justice pour le climat sont de plus en plus fréquentes – “les procès dans le monde ont presque doublé en trois ans seulement” – les avocats et les militants admettent que cela ne peut pas être la seule méthode de pression sur les gouvernements et les entreprises, écrit El País. D’autant plus que ces combats devant les tribunaux sont souvent longs, “ce qui signifie que”, pendant ce temps, “les dommages” sur l’environnement “ne peuvent souvent pas être évités”.

Violette Robinet

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